Les pistes invisibles de Xavier Mussat
24 janvier 2023Les pistes invisibles sont-elles une parabole, un conte philosophique, un roman graphique ? Tout à la fois. Un livre qui vous emporte très loin au fond de vous. Les liens y sont peut-être de même nature que ceux qui nous tissent aux autres.
Le dessin du dessein
Fabuleux, le dessin va du signe au symbole, de la stylisation à la nature. Il peut devenir écriture qui relie l’homme, la nature, le temps, les forces créatrices. Les montagnes deviennent motifs d’art. Le dessin devient ici art pariétal ; là il vibre avec Matisse, Dubuffet, Escher, Lurçat et sans doute d’autres. Ce mouvement permanent soulève bien des questions, dont celle-ci « Ne voit-on que ce que l’on s’attend à voir ? Ne fait-on que reconnaître ? » Si oui, que de choses nous échappent ! Comme la perception de soi. On passe de la lave en fusion à l’oiseau, d’autres animaux en un mouvement permanent. Intérieur / extérieur sont mêlés par le flot dans les mêmes sensations. Comme sont emportés en un seul les temps du rêve, du souvenir, de l’imagination, du présent. Le passage du lointain au proche, de l’infinitésimal à l’immensité change la perception de la réalité.
Métamorphoses
La coupe d’un tronc d’arbre devient coupe de cerveau, toile d’araignée, pensée en arborescence, éclairs. Un squelette de poisson se transforme en grille de lecture. Les lignes des feuilles apparaissent comme des cartes, puis formes géométriques. Le visible rejoint l’invisible. Les fils de la vie s’entremêlent, s’entrelacent pour créer nature, êtres, objets. Ce maelstrom brasse courbes, droites, régularité, récurrence, hapax. On croit même reconnaître des kamons, blasons japonais, des formes cabalistiques. L’ensemble prend des allures de gravures qui imprègnent l’œil.
Traces
Nous remontons ainsi aux origines de la vie, trilobites et ammonites. Et plongeons au plus profond de soi pour être avec les autres. Ne serions-nous que des traces invisibles ? Le texte n’est pas en reste. Lui aussi participe à la digestion du monde, à la transformation de soi. « La forêt carnivore m’enlaçait, m’avalait… » Réflexion sur Robinson Crusoé ; évocation d’un conte de Borges dont le héros s’aperçoit qu’il est rêvé par quelqu’un d’autre ? En tout cas, paradoxalement, ce voyage intérieur élargit l’horizon. « Ils réfléchissent, tentent de prévoir, d’anticiper les obstacles qu’ils se fabriquent, et ça les paralyse. Les projections, ça les décourage. Non, il faut de fil en aiguille s’en aller malgré soi, se surprendre. » Comment quitter ce que l’on s’est construit ?
Xavier Mussat est dans le livre !
L’auteur rend bien visibles ces liens invisibles. Lumineux, même si complexes, donc ouverts à de nombreuses interprétations. À bien chercher, on doit entrevoir la trace de Xavier Mussat, peut-être les nôtres. Ce livre est une sorte d’OVNI qui mériterait une exposition dessin par dessin, grands formats. Éventuellement un film d’animation. Merci pour ce transport des sens et de l’esprit.