Ligismond
15 novembre 2022Ligismond, acrobate de lui-même
Ligismond de Vénus amoureux. De Vénus hybrides parfois abattues , devenues anges déchus. Centaures triomphants exhibant une croupe triomphante ou flapie. Le travail de Ligismond est à prendre au sens premier : il est accouchement. Accouchement de soi qui contrebalance le hasard de la naissance biologique. Parfois malheureuse. Alors il faut la rejouer, la rejouer, la réinventer, se réinventer. Il s’agit de domestiquer la vie, de la faire sienne. L’artiste y jongle avec lui-même. Les boutons de son costume de scène y deviennent balles aériennes.
Se mettre en vie
En se grimant le clown se met à nu. Chaque représentation remet en jeu son existence. Il réaccouche de lui-même. En poupée, gnome, prostituée, clown. Il rejoue Adam et Ève, croque dans la pomme pour s’enfanter. Tout artiste véritable est double. La création lui permet de se trouver. De se retrouver réuni.
Des doubles uniques
Ce faisant Ligismond crée un malaise esthétique et existentiel qui interroge le spectateur. Accepter de se reconnaître dans ces êtres de composition et pourtant uniques ou bien fermer les yeux et passer son chemin ? Car la provocation est permanente. L’artiste joue au ping-pong avec le monde. Il en vomit les effets et les renforce. Telle la patine colorée qui colore ses bronzes.
Recherche d’équilibre
La dualité est recherche constante d’unité et d’équilibre. Entre le sujet, prostituée usée, et le fond du tableau d’une richesse remarquable. Entre l’évidence de la monstration et le secret esquissé. Cette autre péripatéticienne qui se livre parmi les livres et cette serrure que l’on ne remarque qu’ensuite. Quel secret montre-t-elle en le cachant ? L’œuvre de Ligismond dérange, dé-range en faisant désordre. Elle frise volontairement le mauvais goût pour défriser les moustaches bourgeoises. L’ordre établi. Chaque vie se joue dans cette discussion entre l’ordre et le désordre. L’art s’y engouffre. Adam et Ève triomphent en descente de croix, d’organe, en ptose et en stase. Le Christ leur fait écho, devenu équilibriste à la Dali.
Lier, relier…
C’est qu’à se promener longuement entre les œuvres une conversation s’instaure entre elles et nous. Entre elles et un réseau de références personnelles et culturelles. Là les Ménines de Vélasquez, ici Cranach. Le cavalier du musée d’Athènes. La tête d’obsidienne de Malraux coiffe à merveille les têtes / crânes de clowns : elle est elle-même une invention littéraire de Malraux. Comment démêler le vrai du faux ? « Le littéraire et le littéral » ? Tout est affaire d’équilibre, comme l’unicycle. Ligismond en a réalisé un à partir de trois matériaux incompatibles. Il a fallu ruser pour les faire cohabiter grâce à une substance intermédiaire. Lier, relier la mosaïque de la vie.