Livre à quatre mains et déclencheur
18 mai 2022Rencontre avec Didier Devos, photographe. Il dédicace le 20 mai 2022, le livre Tango-Talgo & alentours en compagnie du poète Michel Ménaché, librairie Antiope / Annecy.
L’enfer est pavé de photographies
Quelle idée de publier un livres de photographies et de textes alors que les gens ne lisent plus et que tout le monde prend des photos !
Et que personne ne les regarde. Comme elles sont là instantanément, on les jette aux oubliettes, à l’enfer des pages Facebook. Elles restent stockées quelque part, c’est le pire ! L’enfer grignote du terrain. Certains font leur miel de cette décharge de photos. Ils en tirent une forme de cohérence.
C’est du recyclage.
Comme l’art l’a toujours pratiqué. Pourquoi faire un bouquin dans ces conditions? Parce que c’est une rencontre entre l’écrivain, le photographe et l’éditeur. La poésie oriente le tout, même si la photo est au départ de la démarche. La publication apporte une forme de reconnaissance, à l’opposé de l’auto proclamation des réseaux sociaux.
Création partagée, photo // écrit
Les gens sont pris par l’instantané. Le photographe, lui, décide de faire une photo, de la fabriquer. Ce qui entraîne tout un parcours.
C’est encore plus vrai en travaillant avec Michel Ménaché. Nous le faisons depuis des dizaines d’années. Venise hors champ, en noir et blanc, a été le résultat de cette collaboration particulière sur plus de dix ans. J’envoie des photos à Michel au fil de mon inspiration, comme des incitations à l’écriture. Cet échange prend du temps.
Donner du temps au temps… et en prendre
On peut dire que la photo est du temps transformé en lumière et le livre est une façon de plus d’arrêter le temps.
Ceci pose la question de la bonne photo dans la durée. Dans l’échange avec Michel quelque chose m’échappe, même s’il réagit et écrit très vite. Et puis…au bout de dix ans, impossible de revenir sur le choix des photos puisque des textes leur sont associés.
Tu te vois dix ans plus tard à travers tes productions.
Tous les créateurs vivent ça.
Poésie ?
Tu as utilisé le mot incroyable de « poésie ».
Pour Arnaud Claass il y a un lien évident entre la photographie et la poésie qui sont des formes courtes, brèves.
[Victor Hugo et d’autres démentent la forme courte. Mais Talpa parlerait plutôt, à son habitude, de densité, d’économie de moyens inversement proportionnelle à l’ouverture du sens…]
Traces, empreintes
La relation texte photographie est une ouverture. Michel ne paraphrase jamais. L’écriture est la trace, l’empreinte d’une voix, celle de l’auteur.
La librairie Antiope expose tes photos sur ses murs. Elles vivent parce qu’elles signalent aussi un vide, une absence. L’œil et le cerveau s’amusent à reconstituer un hors champ.
Le problème pour le photographe est double. Si je suis sollicité par l’exotisme, comment ne pas y sombrer. Dans un contexte connu, comment vais-je en tirer quelque chose de plus ?
Le livre est peut-être une réponse.
Extrait d’une précédente conversation d’avant confinement
La question pour moi est « Surtout pas de photocopie ! » Montrer les choses, l’état des choses, ou même leur beauté, ne m’intéresse pas. Il s’agit pour moi d’une connivence entre une personne ou, le plus souvent, des choses qu’on appelle inanimées comme un paysage, une architecture, dans un rapport de lumière. Il se passe quelque chose, comme une invitation à regarder, suivie d’une analyse pour déterminer si une photo s’impose. Ensuite je retravaille l’image avec le souvenir de l’émotion ressentie au moment de la prise de vue. Ce qui peut prendre plusieurs années et laisse place au travail de la mémoire. La 1ère strate mène à la décision de prendre la photo, la 2ème est le cadrage personnel qui échappe au piège de la facilité.
C’est de l’instantané durable
Autant que faire se peut quant à la mémoire qui peut nous trahir. Le temps effectue un tri.