Losonnante,  nouvelles perspectives  d’écoute sonore

Losonnante, nouvelles perspectives d’écoute sonore

13 mai 2021 Non Par Paul Rassat

Jouer des coudes pour écouter

« D’où vient l’appellation « Losonnante » ?

C’est le nom que les chercheurs du CNRS ont donné à cette possibilité d’écouter avec les os à laquelle s’ajoute une valorisation du patrimoine et un enrichissement culturel. C’est un jeu de mot entre les os qui sonnent et l’eau sonnante parce que l’écoute sous l’eau s’effectue par transmission osseuse.

Vous proposez des stations d’écoute solidienne qui font passer le son d’un solide à un autre solide.

Le son passe des coudes, que l’on place sur le dispositif, aux oreilles par l’intermédiaire des avant-bras et des mains qui sont placées proches des oreilles pour établir un contact avec les os du crâne.  La connexion d’os à os permet au son de voyager jusqu’à l’oreille interne.

L’écoute joue de paradoxes apparents

Nous parlions de jeu de mots. Votre slogan est « Bouchez-vous les oreilles et écoutez. » Vous restez dans le jeu et dans le paradoxe apparent.

Oui. On peut toucher le son en utilisant notre corps, en se bouchant les oreilles externes pour s’isoler du monde extérieur.

Pour demeurer dans le jeu, il est possible de relever l’acronyme CRESSON qui apparaît dans votre organigramme.

C’est l’un des deux laboratoires du CNRS qui ont élaboré le concept. Le lien avec le CNRS est assuré par notre associé, une personne morale qui est un accélérateur de transferts de technologie. Il s’agit de Linksium SATT établi à Grenoble. Son rôle est de  transformer les produits de la recherche fondamentale en modèles économiques et en entreprises.

Synesthésie

Cette nouvelle façon d’écouter que vous proposez relève de la synesthésie. Elle permet une association des sens et touche à la poésie. Telle qu’on la retrouve par exemple chez Baudelaire dans « Correspondances » ou bien avec les « Voyelles » de Rimbaud.

Nous mettons en relation la vue, un tableau par exemple, avec d’autres sens. Nous combinons les sens pour augmenter physiquement la relation à l’œuvre que l’on est en train de regarder.  Dans chaque tableau de Kandinsky est représenté un instrument de musique. Éventuellement au Centre Pompidou, il serait envisageable d’écouter l’instrument correspondant à la vue de tel ou tel tableau par conduction osseuse.

Invitation à la création et à l’enrichissement

Un tableau comportant un torrent pourrait être accompagné d’un enregistrement de cascade…ou bien d’une création musicale. Vous pouvez susciter la création artistique.

Il ne s’agit effectivement pas de rester simplement didactique en produisant un document qui explique ou accompagne l’œuvre ou le patrimoine regardés. Nous permettons un temps d’arrêt pour envisager les choses différemment. Cet enrichissement peut passer par une production originale, éventuellement conceptuelle. Il est possible de raconter une histoire autrement que par le texte seul.

Votre projet est donc pluridisciplinaire de bout en bout, du stade de la recherche à toutes les collaborations artistiques croisées envisageables. Vous pouvez ainsi enrichir l’apport des musées, animer les salles d’attente… alors que l’écoute reste intime.

Nous créons de l’interaction aussi parce que cette écoute est une expérience nouvelle. La borne d’écoute va permettre de jouer avec son corps et de partager avec les autres notre ressenti en fonction de la position adoptée par rapport à la borne. Il est aussi possible de placer ses propres mains sur celles de la personne qui est en relation avec la borne et de partager à plusieurs la transmission. C’est intéressant avec les enfants qui ont du mal à tenir la posture.

L’écoute avec tout le corps

Et puis ce concept doit pouvoir aider à la concentration. Quand on est vraiment attentif, on écoute naturellement avec tout son corps.

On s’entend parler par conduction osseuse lorsqu’on se bouche les oreilles. D’où l’écart entre la voix que l’on perçoit lorsque l’on parle et notre voix enregistrée. L’écoute n’est pas la même d’un individu à l’autre. Interviennent la longueur, la densité des os, l’efficience de l’oreille.

Vos stations d’écoute sont déjà installées dans plusieurs lieux ?

Le prototype issu des laboratoires a été installé dans quelques lieux comme au Musée de la carte à jouer à Issy-les-Moulineaux. On le retrouvera à la Cité des Sciences, au château de Bonaguil, au Mémorial de Rivesaltes. Les Museums sont très intéressés. Nous avons fait une démonstration au Musée Château d’Annecy dans le cadre du travail d’une étudiante. »


La puce à l’oreille

Lossonante est donc une borne qui ouvre des liens au lieu de limiter et de formater l’approche des œuvres et du patrimoine. Elle permet de créer, d’enfanter l’imagination. Puisque nous sommes dans le jeu, profitons-en pour rappeler le sens de l’expression « avoir la puce à l’oreille. Dans Souris qui n’a qu’un trou, Agnès Pierron écrit « La Vierge Marie a été engrossée par l’oreille. Dans la scène de l’Annonciation, c’est l’ange Gabriel, superbe, souvent un lys à la main, symbole de virginité, qui vient lui mettre, en tout bien tout honneur, la puce à l’oreille. » Agnès, dans l’école des Femmes de Molière croit naïvement qu’on fait les enfants par l’oreille et Gargamelle accouche de Gargantua par l’oreille.

À bon entendeur salut !