Mai 68, la chienlit, l’ordre et le désordre
15 août 2021Comme déjà écrit par Talpa, le Général dénonça la « chienlit » de mai 68. Le mot avait alors le sens de « désordre ». « Chie-en-lit » est cependant un personnage de carnaval dont le vêtement est largement teinté de marron au niveau du postérieur. Pendant des siècles, le carnaval a été une soupape indispensable aux contraintes sociales, professionnelles, religieuses, politiques, économiques. Le temps du carnaval a toujours été un moment de défoulement, d’excès de tous genres, d’inversion des rôles et des valeurs. Mai 68 fut un pavé…dans la mare de l’ordre, de la hiérarchie, de l’univoque. Il en naquit des ronds à la surface de l’eau et de la société, qui furent bien vite récupérés afin de constituer de grandes rivières productrices de revenus. Festivals divers, vacances estivales ont remplacé le carnaval d’autrefois, avec billetterie, cornets de glace et serviette de plage. Sans les pavés, la plage.
L’ordre
Trente ans auparavant s’était tenue une sorte de monstrueux contre carnaval qui avait pris la forme de la 2° guerre mondiale. Une tuerie! La plus haute expression de cet épisode fut l’épanouissement du nazisme dont l’action se concentra en particulier dans les fronts plus ou moins nationaux et dans les camps. Ce moment de l’Histoire fut l’un des plus grands aboutissements de l’ORDRE. Hiérarchique, univoque, indiscutable. Ein Volk, ein Reich, ein Fürher ! Un seul peuple, un seul État, un seul chef : l’inclusion parfaite ! Ajoutons-y, pour le sens de la valeur « Arbeit macht frei » (La liberté par le travail ») qui accueillait les migrants de l’époque à l’entrée d’Auschwitz. On ne se contenta pas d’épurer les populations. On épura aussi la langue. C’est ce que montre le livre de Victor Klemperer LTI, la langue du III è Reich.
La langue
« À force de répétitions et à l’aide d’une bonne connaissance du psychisme des personnes concernées, il devrait être tout à fit possible de prouver qu’un carré est en fait un cercle. Car après tout, que sont « cercle » et « carré » ? De simples mots. Et les mots peuvent être façonnés jusqu’à rendre méconnaissables les idées qu’ils véhiculent. »
Joseph Goebbels cité par Normand Baillargeon dans Petit cours d’autodéfense intellectuelle.
Re Mai 68
Que retenir de ce soulèvement ? Qu’il fut l’opposé de l’ordre monstrueux. Qu’il succéda aussi à la Guerre d’Algérie qu’on nomma « Événements », ou bien « Opérations de maintien de l’ordre »…tout sauf guerre. La France y défendait les valeurs de la « civilisation ». Contradictions, expression libre, débordements…fleurirent en mai 68. Accompagnés d’une intense créativité. À l’opposé de ce qu’avaient été les deux grandes périodes de manifestation culturelle univoques citées plus haut. L’explosion succéda à la contrainte extrême et absurde.
« Jours de Mai » de Jean-Baptiste Harang rappelle que la France ne connaissait en 68 que 2% de chômage ! Il fallait bien d’autres raisons à cette chienlit. L’auteur présenta son livre à la Fête du Livre de Talloires qui fut à un salon du livre ce qu’est un carnaval à un musée.
Du désordre dans le désordre
Le désordre fut tel que même la presse avait du mal à suivre et à réaliser ce qui se passait. On pouvait lire dans Le Monde de l’époque «…une publicité pour un livre de Pierre Viansson Ponté publié au Seuil par Jean Lacouture et intitulé : « Après de Gaulle, qui ? » et « Aujourd’hui, Freddy Head a gagné trois fois à Longchamp. »
Aujourd’hui, « on est dans un monde où » on « cherche à être en capacité de pouvoir faire en sorte que, afin de se donner les moyens, parce que perso moi je… » L’enfilage d’éléments linguistiques prémâchés donne une impression de sens et d’ordre.