Marc-André Selosse, Nature et Préjugés

17 juin 2025 0 Par Paul Rassat

Le sexus latin qui a donné sexe voisine avec avec secus qui vient de seco, « couper ». Mais le verbe copuler vient de copulare,  lier, unir ensemble. Le sexe séparerait et la sexualité relierait. Pour Platon, Zeus aurait coupé en deux les androgynes qui passeraient leur vie à chercher leur part manquante. Avec Nature et Préjugés, Convier l’humanité dans l’histoire naturelle Marc-André Selosse montre les bénéfices d’une approche holistique, qui relie au lieu de séparer.

Comprendre, prendre avec nous

«  Nous nous concentrons sur les «  enseignements fondamentaux » dont le déclin anime l’actualité : lire, écrire et compter. Mais quid du savoir-vivre, le savoir-vivre en bonne santé, le savoir consommer en protégeant notre environnement et, de là, le savoir épargner autrui ?…À y bien songer, il y a des jours sans compter, d’autres sans lecture, d’autres encore sans écriture. Ces jours-là, on respire, on mange, on vit, on consomme, on fait l’amour, on génère des déchets…Pour bien faire cela, il faut « savoir vivre », c’est-à-dire comprendre notre organisme et notre environnement. Nos fondamentaux étaient pensés pour vivre en société ; ils doivent nous permettre à présent de vivre en nature aussi. Mais comment procéder ? D’abord en connectant, ensuite en expliquant…

L’école et la vie

Le cocktail éducatif, c’est l’interdisciplinarité. Aujourd’hui, loin de comprendre l’enseignement comme un mélange, chaque discipline dépose son message dans la cervelle de l’enfant, comme dans une boîte aux lettres, sans que personne n’amalgame l’ensemble : la vie, pense-t-on, fera le travail…Du collège à l’université, on apprend à loucher, c’est-à-dire séparer en plusieurs reflets la réalité unique du monde…Nous sommes souvent prisonniers de nos propres approches disciplinaires passées que nous peinons à transcender.

Supprimer les hiérarchies factices

On l’a compris : nulle hiérarchie ne règne entre les disciplines, qui toutes s’épaulent les unes les autres, puisant hors de leur propre domaine de l’inspiration et des raisons d’être utiles ; nulle suprématie ne règne parmi les fondamentaux. L’idée contraire a, avec une naïveté terrible, mené à une arrogance technologique négligeant les solutions basées sur la nature. »

Symbiose

Marc-André Selosse  est un spécialistes des symbioses, les associations à bénéfices mutuels. Comme celle des arbres et des champignons ou des lichens. Et il faut certainement entendre par « bénéfices mutuels » davantage qu’une addition du type : ma part + ta part = le total. Talpa aime citer Théodore Zeldin : «  La conversation ne se contente pas de battre les cartes : elle en crée de nouvelles…de la rencontre entre deux esprits naît une étincelle… » ou cette formule que l’on prête à Aristote : «  Le total est supérieur à la somme des parties. » Ces deux contributions participent à la définition de la symbiose, du « vivre en société » et du « vivre en nature. »

Arborescence

L’intelligence en arborescence qui semble animer la plupart des enfants participe de l’approche holistique. Puis viennent l’école, les matières, la spécialisation, le tout sous la surveillance comptable qui réduit le possible à ce qui est mesurable.

Convier l’humanité, convivialité, vivre avec, ensemble. L’humour y joue sa part. On le retrouve dans les écrits de Marc-André Selosse. Peut-être l’étincelle qui anime le « total » et l’enrichit.

Complexité

L’auteur établit une liste des 98 «  personnalités » citées dans l’ouvrage. De l’humoriste au philosophe, du poète au roi, à l’empereur. Peintres, anthropologues, naturalistes, chimiste, zoologiste  font partie des 30 professions ou statuts de toutes époques et pays. Et puis. Marc-André Selosse aime bien les doubles casquettes ( doubles ou plus) : chef de guerre / empereur, diplomate et botaniste. Là encore maillage, réseau, mise en relation priment. Le multiple joue l’ouverture. Y contribue même le nom complexe des chapitres, comme celui-ci                          «  Vivre c’est être autonome

Nous sommes au cœur des dépendances. »

Dessin d’Arnaud Rafaelian, tiré du livre de M-A S: humour et ironie.

Un lien-liant dans à tout ça ?

L’humour est peut-être ce qui permet aux rouages Marc-André Selosse de fonctionner de manière fluide. L’humour qui accompagne lors d’une conférence (comme celle donnée le 14 juin 2025 à Cluny) une débauche d’énergie, une présence d’autant plus remarquable qu’elle vont de pair avec une production intellectuelle étonnante. La pensée s’incarne dans le geste, le mouvement, le déplacement sur la scène, de la scène vers la salle. Le propos virevolte, part dans toutes les directions, se rassemble.

Selosse l’insaisissable

Marc-André Selosse est un réseau à lui tout seul. Il lit le monde, le relit et le relie en une lecture neuve. Les titres de ses livres font écho à la chanson, à la peinture, au cinéma…M-A S joue à saute-cases.