Marie-Angély  « Ce bonheur de vivre »

Marie-Angély  « Ce bonheur de vivre »

18 juillet 2022 Non Par Paul Rassat

Ce livre d’Estelle Levresse rend hommage à Marie-Angély Rebillard (1922-2014). Celle-ci a consacré sa vie aux autres. Elle écrivait « Tout est dans la rencontre…Il faut croire à ce que l’on fait, ne pas manquer d’audace et prendre des risques. » Sa foi l’y mènera. «  Au départ, je n’étais rien, j’ai été conduite. »

Son dévouement aux autres a pris différentes formes  au fil du temps à Cluny et dans la région.  Il lui a permis de sortir des cases pré-établies, d’anticiper, d’improviser, de s’adapter. Secouriste, infirmière pour la Résistance et pour les autres, organisatrice de soutien alimentaire, assistante sociale…

Hymne à Cluny

De la main de Marie-Angély. « Cluny est la terre que j’ai véritablement épousée et à laquelle, après les épreuves de la guerre, je me suis donnée dans une profession absorbant mes énergies et comblant toute ma vie.

   Cluny est tout ce que je porte en moi : intériorité du cœur, moelle de mes os, air que je respire au quotidien, éblouissement de mon regard. Il sera bientôt le berceau où à jamais je reposerai.

   Bien avant moi, Cluny, d’autres t’ont connu…Les ours des cavernes d’Azé ont-ils piétiné ton sol ? Les chevaux de Solutré en quelques galops sont-ils venus te saluer ? »

Hymne à la vie

«  Un soir de concert, le célèbre violoniste Paganini jouait avec tant de fougue qu’une corde se rompit, la plus fine, la chanterelle ; imperturbable, il continue de jouer. Une deuxième corde saute, puis une troisième. C’est presque la fin du morceau. Frénétiquement applaudi, Paganini termine en beauté avec l’unique corde restante, la grosse corde de sol. Il nous est facile de transposer : une à une nos cordes sautent…ma mémoire s’en va…je vois moins bien…mes jambes ne me portent plus…je n’entends plus…etc, etc.

   Mais il faut poursuivre jusqu’au bout le concerto de notre vie, avec la dernière corde, celle du sol, la plus grave, celle du courage, de la patience, de la paix, finalement du silence… »

Rencontre avec Estelle Levresse à la librairie Le jardin secret

Vous êtes de Cluny ?

J’ai habité longtemps à Solutré.

Dans sa déclaration d’amour à Cluny, Marie-Angély évoque les chevaux de Solutré. Il y avait un lien ! Vos occupations professionnelles vous mènent vers la Russie, vers l’Ukraine. Pourquoi ce livre ?

Estelle Levresse

C’était une époque précédente. Marie-Angély avait fondé l’association Cluny de la paix .Marie-Alice Loiseau, une amie très proche, a rencontré Marie-Angély qui lui a transmis le flambeau de son action,  de l’association. Marie-Alice m’a dit «  Il faut que tu rencontres une personne exceptionnelle. » Ce que j’ai fait avec l’intention d’écrire un article. Et puis chaque rencontre était tellement passionnante qu’on a retracé toute sa vie. Lorsqu’elle est décédée j’étais en possession d’un matériel dont nous avons décidé, avec l’association, de faire quelque chose. J’ai donc entrepris de contacter tout son carnet d’adresses. Elle connaissait des gens dans des milieux très différents. L’ensemble a donné ce livre.

Liberté

Comment définiriez-vous cette femme ?

Le premier mot qui me vient à l’esprit est « liberté ». Une liberté d’esprit et d’action incroyable, surtout pour son époque. Elle a décidé de ne pas se marier, de ne pas voir d’enfants pour se consacrer exclusivement aux autres. Son frère était prêtre, sa sœur religieuse. Elle a décidé de ne pas entrer dans les ordres pour être totalement libre de son action.

Vous citez des textes de sa main qui sont d’une force poétique incroyable.

Elle était très érudite. Son propos était particulier car elle avait un vocabulaire très riche.

Une femme inspirante

Vous avez retiré de ces rencontres quelque chose pour vous-même, j’imagine.

Elle a été très inspirante. Je cite cette phrase dans le livre « Tout passe par la rencontre. » Dès qu’une nouvelle personne s’installait à Cluny, elle prenait son téléphone. Elle disait «  Je suis une vieille habitante de Cluny. Rencontrons-nous. » Elle la présentait à d’autres personnes pour lui permettre de s’intégrer. Comme elle a été dans la Résistance pendant la guerre, elle connaissait le Clunisois à merveille, le moindre village. Elle circulait à bicyclette, était passionnée de patrimoine. Elle était un puits de connaissance et restait très accessible.

Lorsque vous bourlinguez, elle vous accompagne ?

Souvent. Lorsque je suis timide, que j’hésite à appeler des gens, je pense à elle. « Il faut aller vers les autres. »