Mauvaise Herbe
9 septembre 2025L’exposition de David Marin à la Fondation Christian Réal se nomme Mauvaise Herbe (à partir du 11/09/2025) . Elle nous accueille avec une œuvre impressionnante réalisée pendant le dernier conclave. Fumée noire ? Fumée blanche ? Le monde se réduirait-il à deux tons ? David en joue, unit le noir, le blanc et le gris. Pas de « oui » ou de « non », mais une autre vision. Son « penseur » peut se voir, se lire, se comprendre de deux façons. Et peut-être d’une troisième. Regardez bien comment il tient sa tête. L’une des clés de lecture de l’exposition est là. D’autant plus que le mot « conclave » signifie étymologiquement « lieu fermé à clé ». L’artiste vous enferme mais vous donne la clé. Libre à vous…( Photo : œuvres superposées de David Marin). Photos©David Machet.
Clé et contre-pied
Grâce à cette clé, vous comprendrez que David Marin aime bien le contre-pied. Avec lui, la carte est le territoire. Elle n’est pas une simple représentation formelle mais inclut la dimension humaine. Le dessin de trajets réalisés en marchant, feuille et crayon à la main ressemble à une tentative de parcours exhaustif. En poussant un peu l’expérience, on rejoindrait la tentative du Nouveau Roman : décrire à l’infini, épuiser le sujet, d’une certaine façon, car si chaque tracé de parcours est, par définition, limité, l’ensemble forme un cheminement inépuisable. À regarder feuille à feuille, ensemble, voire en accordéon où se déplient le temps et l’espace réunis.



La carte est le territoire
C’est qu’il s’agit de sauter les barrières. L’opposition du noir et du blanc, la carte qui ne serait pas le territoire, mais aussi déborder du cadre. Il est là, mais on en joue, on s’en joue, le déborde. Le dessin passe du support papier au mur qui le prolonge. S’y superpose, tentative de palimpseste, la « vandalisation » réalisée par Baptiste Debombourg. Ces paysages vandalisés jouent de ce qu’ils cachent et montrent. Cette partie de cache-cache, David Marin la prolonge dans toute son exposition : lecture double, transparence, palimpseste…


Regarder voir
Certaines expressions populaires sont révélatrices, comme : « Regarde voir si… » Initialement, re-garder, c’est observer, surveiller. Et, suivant les langues, « attendre, garder, respecter, conserver. » Voir, c’est savoir, qui renvoie aux vedas. L’exposition de David nous invite à « regarder voir » Jusqu’à ces mauvaise herbes présentées en fin de parcours. Entre temps l’esprit s’est éveillé, le regard et la vue aiguisés et les mauvaises herbes deviennent le trésor du parcours. Alors que notre époque dénonce volontiers les sauvageons, Brassens chantait
« Moi seul connus le déshonneur
De n’pas êtr’ mort au champ d’honneur
Je suis d’la mauvaise herbe
Braves gens, braves gens
C’est pas moi qu’on rumine
Et c’est pas moi qu’on met en gerbes » — (La Mauvaise herbe, 1954)



La réalité et son image
Olivier Massin aborde la question en philosophe. N’ayons pas peur de simplifier à l’extrême sa réflexion. Le monde tel que nous le percevons et le pensons est constitué d’images. La depiction est l’image brute, coupée de tout sens sémantique. Un peu ce que recherchaient les Surréalistes dans certains travaux. Ce que nous voyons ? Soit le depictum seul, soit la réalité à laquelle il renvoie, soit alternativement l’un ou l’autre, soit les deux en même temps.
L’exposition Mauvaise herbe nous invite à tout réunir dans le même regarder-voir. Synesthésie sensible et neuronale grâce à la malherbe.