Menu nature
30 mai 2025Le plus grand menu du monde, Histoires naturelles dans nos assiettes est un livre de Bill François. En voici un extrait.
« Dans une seule poignée de terre de forêt, on recense plusieurs dizaines de milliers d’espèces de champignons et de milliards d’individus. Si tous les mycéliums du monde voulaient bien se donner la main-ou plutôt le filament-leur ronde entourerait la moitié de notre galaxie…Un maillage si ramifié joue forcément un rôle majeur dans les écosystèmes, car il entrelace et connecte tout…Un véritable Internet sylvestre qui met en contact tous les êtres.
Ce pan du vivant que l’on commence tout juste à déchiffrer offrira prochainement de grandes avancées agricoles, pour dépolluer ou restaurer les sols. Il enrichit aussi notre vision du monde. Désormais, un arbre ou un brin d’herbe n’est plus à nos yeux un être seul mais le maillon d’un vaste système. Qui sait quelles discussions, quelles amitiés le pistachier du Jardin des Plantes a nouées par des mycorhizes ? …
En changeant notre point de vue sur la nature, les découvertes scientifiques modifient notre regard sur nos propres sociétés. Il en a toujours été ainsi. Avec l’avènement de théories de l’évolution et des chaînes alimentaires se sont jadis affirmées les notions d’économie de marché et de libre concurrence . Plus tard, parallèlement à l’émergence des principes de symbioses et de collaborations entre espèces, les idées de solidarité, de droits sociaux se sont développées. Bientôt, de nouvelles façons de vivre ensemble apparaîtront peut-être grâce aux champignons, maintenant que nous avons conscience plus que jamais que nous ne sommes qu’une infime partie d’un tout, que nous devons notre vie à une kyrielle d’entités bien différentes de nous, sans lesquelles nous ne serions rien. »
— Que tu as de grands écrans! — C’est pour mieux te manger, mon enfant.
Les arbres, les plantes se connectent directement. L’Homme a cru bon de se connecter via des écrans, des outils informatiques, les réseaux sociaux, croyant ainsi retisser du « vivant ». Ce faisant, il s’éloigne de lui-même, des liens véritables. Il en est réduit à « faire société », à « socialiser », à réinventer l’attention et le soin par le « care ». L’Homme est lui-même à son propre menu.