Michel Ocelot chez Michel Ocelot. L’homme dans l’exposition
10 septembre 2021Rencontre avec Michel Ocelot
La rencontre est prévue au Musée Château d’Annecy qui consacre en ce moment une exposition particulièrement réussie à l’ « Artificier de l’Imaginaire ». On nous annonce son arrivée. Journalistes, équipe du château sortons pour l’accueillir. L’émotion est palpable. On évoque avec humour une ola. On se demande si on va applaudir. Et puis Michel Ocelot apparaît. Il monte à pied de la vieille ville. Le naturel du bonhomme emporte tout. Une séance photo s’improvise et le maître de Kirikou de déclarer à celles et ceux qui souhaitent attirer son attention pour la photo « Appelez-moi Michel. » Michel a expliqué, répondu, analysé pendant trois bonnes heures. Souriant. À la disposition de chacun.
Douceur et ténacité
C’est la première fois qu’une exposition de cette ampleur lui est consacrée. Il y a même redécouvert des informations qu’il avait oubliées. Il évoque les années de vaches maigres pendant lesquelles personne ne voulait s’engager à ses côtés pour l’aider à réaliser films et idées. La ténacité qu’il lui a fallu. L’assurance qu’il était sur la bonne voie. L’explosion et la reconnaissance de Kirikou à Annecy. Michel Ocelot rend hommage à Nicole Salomon a plusieurs reprises. Elle a su, elle aussi, se battre pour le cinéma d’animation, contre tous les compromis. La ténacité et la volonté de Michel Ocelot sont d’autant plus remarquables qu’il respire la douceur. Sa voix en témoigne. Il est lui-même, pleinement lui-même et sans doute aussi à l’aise et assuré dans n’importe quel contexte.
Tout viendrait-il de l’enfance ?
Pour Marcel Proust, ce fut la madeleine. Les chefs parlent volontiers des plats réalisés par leur mère ou leur grand-mère. Nous habitons notre enfance toute notre vie. Celle de Michel Ocelot se déroula en Guinée. Tous les ingrédients de ses films à venir y ont formé une enfance très heureuse. L’amitié par-delà les couleurs de peau. Les corps sans artifices. Les vêtements de fête. Le méchant incarné ensuite par Sékou Touré.
L’Afrique, le conte et au-delà
L’Afrique est aussi la source de nombreux contes. C’est de l’un d’eux que part Michel Ocelot pour réaliser Kirikou. Les contes permettent de dire simplement des choses complexes et profondes. Sortant du ventre de sa mère, Kirikou lui demande « Enfante-moi ! » Le conte permet d’échapper à la pensée rationalisante, de dépasser l’approche binaire pour ouvrir à la poésie, à la psychologie. Comme dans le « triangle de Parkman », victime, persécuteur et sauveteur peuvent changer de rôle. La fameuse sorcière de Kirikou a d’abord été violée. Il y a tant de nuances entre le noir et le blanc!
Dépasser les frontières
Est-ce que toute l’œuvre d’un créateur comme Michel Ocelot peut tenir dans uns exposition ? Celle du château d’Annecy montre en tout cas de nombreuses facettes de son talent, des techniques utilisées. De l’Afrique de son enfance, il a su fabriquer un autre monde. Africain et universel à la fois. Il paraît que cette exposition est appelée à voyager. Dans d’autres villes, à Paris, à l’étranger.
Voyage et sincérité
En préface de l’album « Les voyages d’Ibn Battûta », Ali Benmakhlouf écrit : » Quand le récit prend appui sur la trace, il reconstruit un passé, non pas comme celui-ci s’est déroulé, mais comme il résonne dans le récit qui l’accueille. La véracité du récit n’est donc pas vérité, et sa fiabilité ne peut être que celle de la sincérité du conteur, non celle de l’exactitude de l’historien. »
L’une des citations préférées de Talpa pour terminer « On n’écrit pas pour rapporter sa vie dans ses livres, mais pour la découvrir. » Alan Bennet in La reine des lectrices. Michel Ocelot se découvre en permanence.