Philosophie, morceaux de langage et  d’humains, Afghanistan

Philosophie, morceaux de langage et d’humains, Afghanistan

9 septembre 2021 Non Par Paul Rassat

Les philosophes meurent, pas leurs concepts

Il paraît qu’on peut reconnaître un philosophe d’un simple professeur de philosophie ou d’un philosophe de plateau TV. Le premier invente un concept. L’autre le ressert et en fait son fromage, de tête ou bien transformé en monnaie sonnante et trébuchante.

Les vrais philosophes

Socrate inventa la boisson qui tue (ou bien la transmit à l’Histoire).

Platon imagina le concept de paroi de caverne écran, qui devint plus tard la télévision.

Kant inventa le concept de retenue, toujours sur son Kant à soi.

Descartes ouvrit la pensée par une formule économique qui peut se lire comme un palindrome, dans les deux sens. Je pense donc je suis. Je suis donc je pense. Cogito ergo sum. Sum ergo cogito.

BHL vulgarisa la philosophie de la chemise blanche qui se mouille mais reste blanche.

Les recycleurs

BHL se situe en réalité à mi-chemin des vrais philosophes et des recycleurs qui reprennent les idées des autres pour se mettre en avant. Mais il y a mieux ! Le slogan « Touche pas à mon pote ! », héraut d’une vision humaine de la société est devenu « Touche pas à mon poste ! » « Mon pote » était un prolongement de moi-même. « Mon poste » réduit la réalité à ma vision des choses à travers mon petit écran. C’est à cette aune que devrait se jouer la prochaine élection présidentielle version Marlène Schiappa.

Les autres

Luc Ferry pratique le coup de langue rythmique pour une pleine jouissance philosophique.

François Mitterrand réussit à amplifier l’infini en ajoutant du temps au temps.

Nicolas Sarkozy a mis en avant la philosophie pour les enfants. Il a créé la philosophie féérique.  « Avec Carla, c’est du solide. » inventait du même coup le concept qui consiste à solidifier l’amour.

Emmanuel Macron applique à la politique le principe de philosophie féérique. Grâce à une poudre spéciale constituée d’éléments de langage, il transforme en « flux migratoires irréguliers » les migrants de tous bords. D’Afghanistan en particulier. Le propre d’un chef, élu, dirigeant n’est-il pas, d’ailleurs, de transformer la réalité en chiffres ou en mots réducteurs d’une réalité complexe ? Une fois réduite (à la manière d’une sauce ?) cette réalité artificielle peut servir de base à toute transmission, manipulation, mise en dossiers pour techniciens et experts en réunion.

Chronique d’une mort annoncée

Chronique d’une mort annoncée est le titre d’un récit écrit par Gabriel Garcia Marquez. C’est aussi ce qui se passe en Afghanistan. Alors qu’ici c’est l’août où se reposer de l’année et mettre bas les masques qu’on porte au travail, en société, à Kaboul on devient maboul. L’Histoire de ce pays charria tant de vies ! Comment réduire tout ça en éléments de langage facilement transmissibles ? « Des flux migratoires irréguliers. » Oui. Très juste et suffisamment vague pour ne pas trop en faire.

Éléments de langage

Les éléments sont des substances simples qui entrent dans la composition de la nature. L’eau, la terre, l’air, le feu. Ils sont des parties constitutives d’un tout qui les dépasse. Les éléments de langage agissent en sens inverse. Ils réduisent une réalité complexe à des éléments simples, voire caricaturaux. Ce procédé permet la manipulation d’un côté, la paresse intellectuelle de l’autre. Souvenons-nous de cette conférence de presse avec Obama. Nicolas Sarkozy y disait qu’on ne peut pas dialoguer « avec des gens qui ont amputé d’une main une femme parce qu’elle avait mis du vernis à ongle. » Il reprenait un message d’Amnesty International. « …en octobre 96, des talibans auraient sectionné l’extrémité du pouce d’une femme…car elle portait du vernis à ongles. »

Langage et vérité

Le linguiste remarquera comment on passe du conditionnel d’Amnesty à l’indicatif de Sarkozy. Le grammairien se demandera s’il faut ou non un s à ongle. Du vernis pour les ongles ou bien pour la matière qu’est l’ongle ? Le féministe sera outré. L’écologiste relèvera que le vernis est issu d’une chimie destructrice. Le commentateur commentera les images de personnes tentant de prendre d’assaut quelques avions pour sauver leur peau. Pendant que celle des aoûtiens bronze. L’économiste regrettera qu’il n’y ait plus de débouché en Afghanistan pour les produits de beauté. Les experts européens interprèteront ce retrait des USA comme un signe de détumescence politique. Les autres regretteront cette merde inhumaine.

La photo représente une œuvre de Shamsia Hassani.