Oui

Oui

14 janvier 2024 Non Par Paul Rassat

Essai fantaisistement sérieux sur le «  Oui ». Le côté sérieux relève de l’étymologie et encore une fois d’Alain Rey. «  La partie latine de oui, c’est o, qui continue hoc, « cela », le démonstratif qui signale la réalité de ce qu’on montre. Les terres du sud de la France, restées plus proches du latin, disent oc, d’où vient Languedoc, le pays où la langue dit oc, et occitan. Au nord, on a renforcé le o initial par le pronom personnel : ça donnait o-je, o-nos, o-vos, etc., et, à la troisième personne, o-il, celui de la langue d’oïl. » Il faut pour cela attendre le XIVe siècle. Notons la similitude entre le o-je et  le bonjour des Jivaro Achuar que Philippe Descola traduit par «  J’arrive ». L’implication d’une première personne est présente dans les deux formulations.

Je n’est pas tout seul

La première personne n’existe que dans la mesure où existent d’autres personnes : nos, vos, etc. Nous pouvons en conclure que le oui est la marque d’une conversation, d’un dialogue et de leur aboutissement. Le non, lui, rejette, ferme la porte à toute discussion.

Oui mais

Alain Rey note :  »  Dans les affaires courantes, l’opposition sèche oui-non ne plaît guère. Plutôt que oui, on va dire tout à fait, d’accord, d’ac, OK…Ou bien , mollement, ouais, ptêt ben qu’oui, oui mais…, sans parler de peut-être. » Ajoutons carrément, à fond. Le oui mais de Giscard d’Estaing marquait sa distance par rapport à la politique gaullienne. On aurait pu penser que le « En même temps » d’ Emmanuel Macron correspondrait à une sorte de oui dépassant les composants de la politique pour les emmener vers un résultat supérieur à la somme des parties et des partis. Que nenni ! À cause d’un atavisme  sans doute inhérent à la politique, la dialectique n’a pas fonctionné. Elle demeure au stade de l’affrontement, des jeux de pouvoirs et de la destruction de l’opposition plutôt que de l’échange constructif. D’où le recours kalachnikovien au 49.3.

La poésie du oui

Il y a pourtant une poésie dans la seule formulation du oui. En voici quelques exemples à travers langues et patois : ja, po, yes, naam,a-bi, beli, wali, tale, ya, yea, da, igen, ken, eh, iva, bale, sim, avunu, yebo, vouei, awi, oal, odil.

Oui et non

De Gaulle : «  Oui, la France se relèvera. Elle se relèvera dans la liberté. Elle se relèvera dans la victoire. » ( juillet 1940).

«  La réforme oui, la chienlit, non. » ( 1968).

Le oui peut se moduler de bien des façons : affirmation, admiration, étonnement, doute, adhésion, interrogation. De quelles nuances se compose le oui prononcé lors d’un mariage ? Le oui sera-t-il remplacé un jour par un formulaire de consentements énumérant une liste de choses que l’on accepte ou non dans les domaines de la sexualité, du travail, des relations humaines et sociales ? Au lieu de dire oui, peut-être en arrivera-t-on à cocher des cases, à valider des trucs et des machins. Peut-être par défaut de conversation impliquant des personnes, des gens, un je et un tu qui feraient un nous.

Fantaisie

Le côté particulièrement fantaisiste de cette tentative d’essai permet de penser que les peintures rupestres correspondaient à une forme de oui. On est convaincu qu’une grande partie de ces peintures ont été réalisées par des femmes. Une sorte de oui, en somme, unissant tous les artistes dans une réalisation qui dépasse le travail de chacun-e. ( Photo © Christophe Rassat).