Oxymore

Oxymore

18 mai 2023 Non Par Paul Rassat

 L’oxymore serait le « rapprochement de deux termes contradictoires qui donne à la pensée un tour saisissant ». (TLFi) Cette figure de style n’est, en réalité, pas un simple rapprochement. Elle saute les barrières pour créer une fusion, une nouvelle image, un nouveau sens nés de ce rapprochement. Quelque chose de nouveau et de « saisissant ». L’exemple type de l’oxymore est « cette obscure clarté qui tombe des étoiles » et de la plume de Corneille dans Le Cid. Ni obscurité, ni clarté, mais les deux poétisées. L’art peut donc accomplir des miracles. Il dit, donne à voir ou à entendre ce que nous éprouvions sans le savoir.

Charles Juliet Giacometti

«  Coexistence des contraires. Coexistence en l’être humain des données et des aspirations les plus contradictoires. Pour Giacometti qui s’était proposé d’exprimer «  la totalité de la vie », il fallait dire l’angoisse, la solitude, la mort qui menace, la blessure d’une existence à jamais coupée. de l’absolu, mais tout autant, les forces, la beauté et le mystère de la vie.

   Toutefois, comment faire cohabiter en une œuvre des éléments difficilement conciliables, qui se contrarient, voire s’excluent ? » C’est ce qu’écrit Charles Juliet à propos de Giacometti.

Unir et dépasser plutôt qu’exclure

La pensée occidentale repose sur le principe de non contradiction. Si c’est ça, ce n’est pas autre chose. Et si c’est autre chose, ce n’est donc pas ça. Pensée par exclusion, par élimination. Notre appétence pour la hiérarchie et la centralisation viendrait peut-être, en France, de cet empilement vertical né de l’élimination de toute souche adjacente pouvant éventuellement remettre en question l’équilibre. Nous retrouvons ici le principe du jardin à la française. Maîtrisé, domestiqué, dompté.

Le principe de non «  non contradiction »

Ce mode de pensée et de fonctionnement pourrait être considéré contre nature. Comme le corset qui emprisonnait la poitrine et étouffait le souffle. La femme était objet, de convoitise, de désir, d’ameublement. La pensée corsetée est objet d’exploitation et de rentabilité à court terme. Nathan Paulin, à l’opposé, conseille de « sortir de sa zone de confort ». Car le réflexe est d’y revenir dès que possible. Au lieu d’en sortir à l’occasion, élargissons-la en permanence, continûment. Et pourquoi ne pas sortir du principe de non contradiction afin d’enrichir notre réflexion, nos conversations ?

Un chouïa de dialectique

La dialectique  fait « du dynamisme, du mouvement par contradiction ou opposition, le principe d’évolution du monde et de la pensée humaine ». En théorie seulement. On le voit bien en politique tout particulièrement, la loi du plus fort y est toujours la meilleure. Chacun y combat les arguments opposés à sa thèse, souvent sans concession. Cette dialectique procède elle aussi par élimination. Avez-vous participé à un « brain storming » ? On en retient le plus souvent les idées qui vont dans le même sens. Idées qui reposent sur une sorte de bon sens apparent. Sur des évidences qui évitent d’avoir à réfléchir vraiment.

Oxymore, encore.

La mécanique quantique nous apprend qu’une chose peut être et ne pas être en même temps. Tant que nous n’avons pas décidé d’agir pour trancher la question. Serions-nous donc tous poètes en puissance ? Puisque l’étymologie du mot poésie nous renvoie à la dimension de l’action, à faire ? La création permettrait, en poètes, de développer de nouveaux oxymores susceptibles de dépasser nos contradictions apparentes de gestionnaires. À quand le PIB oxymorique ?

Paradigme et oxymore

 Le paradigme est une « conception théorique dominante ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique donnée, qui fonde les types d’explication envisageables, et les types de faits à découvrir dans une science donnée. » Nos dirigeants nous annoncent régulièrement un changement de paradigme. On dirait plus familièrement « casser les codes, bouger les lignes. » Talpa l’a déjà dénoncé, annoncer un changement radical permet le plus souvent de dire : «  Vous voyez, on essaye. Ce n’est pas de notre faute si ça ne marche pas ! » Voir à ce propos les Gaulois réfractaires. L’oxymore, lui, est bien plus productif.