Passer le temps
1 mai 2025La meilleure façon de passer le temps est de disposer d’une passoire et de suffisamment de temps. Installez votre passoire dans un lieu où le temps passe régulièrement. Il est effectivement des endroits où le temps passe mal, voire pas du tout. D’autres où il file trop vite pour être passé convenablement. Le lieu où installer votre passoire est primordial. Même si vous ne voyez pas le temps passer, la passoire si. Elle en gardera des traces, même infimes. (En photo, une passoire de démonstration hors de son lieu de fonctionnement).
Le temps ressenti
Il en va du temps comme de la température : entre le temps annoncé et le temps ressenti l’écart peut être important. La passoire retient des particules du temps qui mesurent l’écoulement de celui-ci. D’après Héraclite, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, parce que l’eau coule et donc le fleuve change en permanence et parce que nous changeons aussi. Les conservateurs voudraient changer au rythme du fleuve pour ne rien ne change. Les révolutionnaires tentent de remonter le courant : peine perdue.
Les idées closes
Il paraît, d’après les physiciens, que le temps n’existe pas ; nous ne percevons que les effets de la durée : le vieillissement des êtres vivants, l’érosion de la nature, mais aussi le retour des saisons. Et puis le sempiternel retour des discours politiques, des idées closes comme l’étaient autrefois les maisons. On nous reparle de « la valeur travail ». Les élections constituent un excellent moyen de constater que le temps peut être cyclique ( and collect ?).
Tout est relatif
Mais revenons à notre passoire. Elle retient les particules du temps qui mesurent l’écoulement de celui-ci. Que faire des particules de temps ainsi récoltées ? Elles sont une façon de retenir le temps. Plus votre passoire sera grande, plus vous retiendrez le temps ; c’est d’une certaine façon du temps de gagné ! Vous en porterez-vous mieux ? Oui, à condition d’apprécier la formule latine « Bis repetita placent ». Rappelons que les Romains mesuraient le temps au cadran solaire, de manière écologique, ce en quoi ils étaient en avance sur notre époque. Ils savaient, de surcroît, s’adapter puisque la durée des heures n’était pas la même en fonction des saisons. Plus longue en été, plus courte en hiver. Ils avaient découvert la relativité. Toutes choses que vous pourrez apprécier avec la passoire à temps.
Le temps et le travail
« Notons au passage que s’est imposé dans toutes les principales langues le besoin d’une expression courante, équivalant à « tuer le temps »…L’homme « aliéné » dans la civilisation technique du capitalisme est malheureux : « En consommant de l’amusement, il cherche à réprimer la conscience de son malheur. Il s’ingénie à gagner du temps et ensuite il s’inquiète de tuer le temps qu’il a gagné. » (Erich Fromm). L’insatisfaction du travail en miettes est, selon nous, un des principaux aspects de cette aliénation. »
Ce passage est tiré du livre de Georges Friedmann Le travail en miettes publié en 1972. En un quart de siècle, les miettes ont fait leur chemin. Elles ont transformé le travail en job, mission. On travaille à l’objectif, au rendement.
Premier mai
Erich Fromm formule parfaitement la situation : l’homme consomme de l’amusement. On parle même de « consommer de la culture ». Celle-ci étant devenue principalement de l’événementiel, l’homme consomme des miettes de culture après s’être dévoué à des miettes de travail ! Il fête tout ceci le 1er mai, jour où il manifeste son amour du travail.