Philippe Cognée sous Hautes Tensions
24 mai 2024La Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon propose Hautes Tensions de Philippe Cognée. L’exposition se tient du 23 mai au 25 août 2024 àL’Abbaye-Espace d’Art Contemporain d’Annecy-le-Vieux. Xavier Chevalier nous livre ses impressions alors qu’il mettait la dernière main à l’accrochage.
Une exposition généreuse
— Cette exposition très généreuse reflète la personnalité de l’artiste. Il a accepté que nous puisions dans ses caisses et nous a proposé de produire des pièces comme ces quatre tableaux disposés à l’entrée. Ils sont réalisés un peu à la manière de Jef Leroy. On est dans la matière de tableaux qui s’autodétruisent et se reconstruisent sans arrêt.
En mouvement permanent
C’est l’un des principes de l’art de décomposer pour recomposer. Mais la démarche est encore plus pertinente avec le contexte politique et social actuel.
Être englué et s’en dépétrer. Sur la longueur du mur latéral, Philipe Cognée propose une série explosive. Mais ici, il montre une pièce ancienne faite de larves. De la glaise à peine écrasée dans sa main, des larves qui font un terril grouillant de mouvement…
Impossible de ne pas penser à des étrons. Le déchet, la mort participant à la vie.
Philippe Cognée appelle ça des larves qui forment une architecture, un terril, une termitière, quelque chose qui grouille, figé mais plein de vie. La conversation s’établit avec cette œuvre ancienne, sur le mur, qui représente des châteaux de sable.
Tensions et fusions
On peut penser à des souches, une forêt calcinée.
Philipe avait fait toute une série de plages et de châteaux de sable avec sa technique à l’encaustique. C’est une fusion de la cire et de la peinture sous la chaleur.
Déconstruction / reconstruction
Le procédé technique est au service d’une vision. ( Il serait intéressant de voir comment , même au service de la création, la technique influence celle-ci).
Beaucoup de gens s’émerveillent, à juste titre, devant la peinture de Cognée. Cette exposition montre plein de choses inattendues mais qui correspondent parfaitement à son propos. On retrouve son approche de l’architecture, d’autres constantes, mais ici apparaissent et disparaissent des éléments. Les œuvres se déconstruisent et se reconstruisent. Disposées à l’Abbaye, elles se répondent. Par exemple, après cette série de dessins explosifs, des « Google Earth » donnent une vue en surplomb qui sont disposées face à une Tour de Babel. Entre les deux, au sol, ce jeu de construction. Malgré les différents regards, tout est complètement raccord.
Équilibres en tensions
Chaque événement réalisé ici par la Fondation Salomon fait penser que le lieu a été conçu pour l’exposition et l‘exposition pour le lieu.
C’est le signe qu’on ne se trompe pas. Il faut interpréter en respectant la pensée et l’œuvre de l’artiste. Cette version de « fragmentation de la ville, une utopie de marbre » est celle qui avait été exposée à Chambord. On l’a recomposée pour l’installer ici.
La série de dessins sur le mur latéral fait inévitablement penser aux camps de concentration.
Ils sont à la fois magiques et extrêmement violents. Extrêmement d’actualité aussi. Avec certains, j’ai l’impression de voir des images de la Shoah, ou bien de retrouver l’imagerie de l’époque de Ceausescu. Le travail de Philippe Cognée nous oblige à faire une espèce de mise au point.
L’essence du travail de l’artiste
Mise au point visuellement et intellectuellement.
L’émotion, la violence, l’Histoire font partie de cette gymnastique intellectuelle, et la technique est bluffante. L’exposition permet de retrouver l’essence du travail de Philippe Cognée avec des pièces connues, d’autres très peu montrées et d’autres inédites. Chaque visiteur en fera sa propre lecture et y trouvera des références personnelles.
Générosité en équilibre
Comme dans cette Tour de Babel où il est possible de retrouver des motifs de Klimt. La disposition des œuvres laisse beaucoup de place à la circulation, à la déambulation et on éprouve en même temps la densité des réalisations et des correspondances entre elles.
L’exposition est généreuse et dense. Il faut aussi trouver cet équilibre qui lui permet de respirer.
La vie comme atelier d’artiste
À étudier les photos de Willy Ronis, on finit par découvrir qu’elles sont des révélations. Le cadrage, le jeu de la lumière, l’œil du photographe révèlent quelque chose qui, sinon, n’existerait pas. On a ce sentiment avec le travail de Philipe Cognée exposé ici. Est-ce que c’est quelqu’un d’optimiste ?
Il est une belle personne. Je ne le connais pas suffisament mais il dégage quelque chose de sympa, d’optimiste. Bien qu’il fasse partie des peintres français les plus importants, il est très simple, accessible. Une impression de solitude qui transparaît dans ses œuvres ? C’est vraiment l’artiste dans son atelier. Il continue de produire depuis de nombreuses années des œuvres de formats différents, avec des techniques et des matériaux différents.