Pietà

Pietà

11 décembre 2021 Non Par Paul Rassat

« Pietà – Dans l’atelier des sculpteurs savoyards à la fin du Moyen Âge »

Exposition au Musée-Château d’Annecy jusqu’au 14 mars 2022. Une trentaine d’œuvres sont exposées. Elles proviennent de Savoie et d’Italie. L’exposition est issue d’un projet transfrontalier intitulé « De l’or au bout des doigts ». Le projet universitaire PATRIMALP a apporté son analyse scientifique concernant deux des Pietà exposées et a permis de mieux cerner la technique du brocart appliqué. Certains de ces trésors viennent de Suse, Aoste ou Turin.

Quelques questions posées à Sophie Marin, commissaire de l’exposition

Avec ce thème de la Pietà que le Château expose, on se rend compte que le Moyen Âge est bien plus riche qu’on ne le dit habituellement.

Présenter cette époque comme barbare est une vision assez dix-neuvièmiste. C’est une période extrêmement riche en inventivité, en techniques de polychromie. On imagine aussi mal celle-ci que celle des temples grecs. Notre approche a été façonnée par les images en noir et blanc et c’est pour cette raison qu’on se représente les façades des églises romanes uniquement en pierre. En réalité, elles étaient polychromées elles aussi. Elles ont souffert des repeints, des décapages sauvages au gré des époques.

De réseau en réseau

Vous travaillez en réseaux artistique, scientifique. Vous reconstituez le réseau géographique, culturel et artistique d’où proviennent ces Pietà. Il y a une sorte de résonance d’une époque à l’autre, entre le contemporain et le Moyen Âge.

Le Duché de Savoie, extrêmement vaste, a été disloqué à la fin du 15° siècle. Nous reconstituons ce territoire aujourd’hui réparti sur trois pays, plusieurs départements, plusieurs régions. Il est passionnant de voir de chaque côté des Alpes les avancées scientifiques et de pouvoir les partager.

La révolution de l’image

Vous évoquez une explosion de l’image au Moyen Âge, égale à celle que nous vivons aujourd’hui.

La manière d’appréhender les images change profondément comme notre regard change aujourd’hui avec l’explosion d’Internet. Au Moyen Âge, c’est à travers la gravure qu’on assiste à ce déferlement d’images qui sortent des bibliothèques, des librairies privées, des cours et des monastères où se trouvaient les manuscrits, des églises. Les artistes ont alors accès à un répertoire extrêmement vaste qui se diffuse beaucoup plus largement. Désormais les images ne sont plus uniques, en un seul exemplaire, contrairement à ce qui se passait avec les manuscrits. Il suffit d’une presse pour diffuser autant de gravures que l’on veut. C’est un changement d’échelle, une multiplication d’images et par ce fait un changement de regard porté sur ces images qui deviennent plus accessibles.

Circulation et liberté artistique

Cette vulgarisation entraîne-t-elle une plus grande cohérence des codes, de l’iconographie ?

Il y a toujours eu des images d’une grande cohérence parce que leur dimension religieuse est codifiée. On représente la Vierge avec un manteau, on lui associe des couleurs symboliques. Ce qui est nouveau, c’est que la circulation récente permet d’associer parfois une œuvre à son modèle gravé. On retrouve ce phénomène particulièrement dans le domaine de La Passion qui donne lieu à des séries. Les artistes y piochent leur inspiration. À l’époque la notion de copie n’existe pas. On part d’un répertoire de formes qu’on mélange, réinterprète. Rien n’est figé ni bloquant pour l’artiste.