Pointer du doigt

Pointer du doigt

20 mai 2024 Non Par Paul Rassat

Quelques réflexions qui s’appuyent sur la lecture de La crise commence où finit le langage d’Éric Chauvier. Il y est question de pointer du doigt. Il pourrait d’ailleurs être judicieux d’introduire une épreuve de pointer du doigt aux Jeux Olympiques.

«  Ces hominidés [Homo Habilis] étaient évidemment en prise avec leur environnement par le biais du langage. Le monde qui leur permettait de survivre répondait à des usages situés dans le cadre d’une économie d’usage. Si leur langage était dénué de capacités d’abstraction, leurs fonctions cognitives élémentaires (la mémoire, la motricité et le raisonnement) étaient mobilisées en fonction des contextes qu’ils expérimentaient de façon réelle…Le sapiens sapiens de 2019 a acquis la compétence de parler de mondes virtuels comme s’ils étaient réels. Ses compétences en matière d’urbanité découlent même de l’entretien de cette confusion. Les structures mentales qui président aux fonctions cognitives de sa communication ne sont plus prioritairement tournées vers l’expérience de la co-présence et des indices, mais vers le modèle. Ce qui le sépare de son ancêtre Habilis tient finalement à l’abandon du «  pointer du doigt. »

Le rire et l’index

Montrer du doigt disparaît. Éric Chauvier souligne que les animaux ne partagent pas cette compétence. Elle serait, avec le rire de Rabelais, une caractéristique de l’espéce humaine.

«  Selon les linguistes, c’est l’acte de désigner qui génère des émotions et, par là, une mémoire singulière ; basée sur des récits personnels. »

Le récit dilué

L’ Homme contemporain  ne pointe plus du doigt, il pointe les écrans qui le pointent en retour. Le récit se fait des réseaux vers l’individu qui s’y trouve dilué. Autrefois, pointer du doigt était considéré comme malpoli, c’est étonnant.  Désormais le récit ne cesse de nous montrer du doigt et de nous enjoindre de partager des émotions qui ne valent que vécues collectivement. On oublie ainsi que pour faire une société il faut de véritables individus. Si chaque joueur n’est pas compétent, avec ses caractéristiques personnelles apportées à son poste, une équipe sportive ne peut être ni soudée, ni performante.

Quand le doigt montre la lune

Cette absence de relation vraie à notre environnement se retrouve dans la langue actuelle. Nous confondons le temps et l’espace. Il faut agir en amont, penser que derrière il y aura des conséquences et, bien sûr, regarder la réalité en face ! Quand le doigt montre la lune, l’imbécile se met le doigt dans l’œil et veut aller s’installer sur la lune.