Polar existentiel
26 septembre 2025Martin Suter aurait-il inventé le polar existentiel ? Allmen et le dernier des Weynfeldt semble le confirmer. D’autant que son héros Allmen ( all men) pourrait représenter à lui seul l’espèce humaine.
Quelques passages
— « Ah, le temps. N’est-ce pas la plus épouvantable des choses épouvantables ?
— Sauf si c’est du bon temps, objecta Allmen.
— Mais dans ce cas c’est encore plus épouvantable, parce qu’il s’en va. Et ne me dites pas qu’il faut vivre dans le moment présent. J’en suis incapable. Vous pouvez, vous ? »
Le carpe diem semble bien difficile ! Comme difficile paraît la tentative de supprimer ou de réduire la distance que crée l’argent. En souffrent autant, chez Martin Suter, ceux qui en ont beaucoup que ceux qui n’en ont pas assez. Aux barrières du temps s’ajoutent ainsi celles de l’argent.
À saute-frontières et codes
Allmen slalome entre les frontières. Il est un fin limier pour retrouver les œuvres d’art volées, mais ne dira jamais qu’il en fait son métier. C’est une passion, qui permet de rendre service…et incidemment de maintenir son mode de vie luxueux. Quant à certaines « frontières » qui constituent un « savoir-vivre », il en maîtrise tellement les codes qu’il peut soit s’y conformer avec élégance, soit les contourner avec la même élégance. Savoir s’habiller en fonction de telles ou telles circonstances permet de s’adapter, c’est-à-dire de changer en demeurant profondément soi-même. Il en va de même avec les boissons.
Les temps se confondent
Et si notre détective qui n’en est pas un relit un livre, c’est « pour voir quel effet il produirait sur lui ce jour-là. » Chez Allmen se rejoignent en permanence le temps perdu et le temps retrouvé . Avec la conscience que tout est « mascarade » et que la vie est « un manège ».
Quant au tableau qu’Allmen retrouve, on ne saura jamais s’il ne vaut pas un clou ou bien plusieurs millions. Comme nos existences ?
« Pour résumer : vous voulez que je retrouve quelque chose dont vous préférez qu’on ne sache pas que vous l’avez perdu. »
Auteur magnifique. A lire aussi son second livre: Small world.