Rond et roue
8 novembre 2023Le rond vient de la roue, du latin rota, roue, rouleau. Le rouleau a donné le rôle, et la roue tourne ! Elle tourne au point que, quand ça tourne rond, c’est que tout va bien. Mais ça finit par ronronner et l’ennui pointe le bout de son nez.
Dire qu’il a fallu si longtemps pour que l’Homme inventât la roue !
Maudits soit la roue et son inventeur
Quel abruti a bien pu avoir un jour que l’on pourrait situer à l’aube de ‘humanité si l’on considère que le réchauffement climatique nous situe à son crépuscule, quel abruti a bien pu avoir l’idée d’inventer la roue ?
On en voit habituellement les bons côtés, qui se limitent aux deux flancs et à la bande de roulement mais les avantages en sont plus nombreux, en apparence : transports, voyages, communication s’en sont trouvés très nettement améliorés alors qu’ils nécessitaient moins d’efforts.
Et sur la roue se greffèrent des chars, des brouettes, des locomotives, des avions, des chars de guerre bien qu’ils se meuvent grâce à des chenilles…elles-mêmes enclenchées par des roues.
La roue devint celle de la fortune, puis cause d’infortune
Oui, peut-être, c’est discutable, parce que la roue permit les circuits longs, les voyages lointains, le gaspillage, la vitesse attachée aux vues superficielles du monde.
Alors qu’un avion sans roues, hein ? Un avion sans roues ferait un excellent abri immobile pour SDF. Tout comme les campingcars. Les voitures sans roues customisées seraient peut-être des œuvres d’art, de street art, et permettraient d’épargner les murs de nos belles cités.
Sans voitures mobiles, pas d’agressivité au volant, pas de mortalité routière, pas de scandale des cessions d’autoroutes au secteur privé, pas de radars (sinon en plans fixes), beaucoup moins de gendarmes. Que d’économies !
Sans les roues, que des circuits courts, pas de circuits de F1, pas de trace carbone.
Marcher avec Jean- Jacques
Vive alors la marche à pied si chère à notre bon Jean-Jacques Rousseau.
« Je ne conçois qu’une manière de voyager plus agréable que d’aller à cheval, c’est d’aller à pied. On part à son moment, on s’arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d’exercice qu’on veut… Je n’ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes; je passe partout où un homme peut passer; je vois tout ce qu’un homme peut voir; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir…Quand on ne veut qu’arriver, on peut courir en chaise de poste; mais quand on veut voyager, il faut aller à pied. »
Supprimons les roues (sauf aux fauteuils des handicapés) pour retrouver bonne humeur, santé, joie de vivre et de découvrir, pour renouer avec la nature et avec soi.
Rôle
Comme il est écrit plus haut, le rôle fricote étymologiquement avec la roue. Le rôle qui est en forme de rouleau, acte de notaire, livre, registre, comportement social, statut qui finit par contraindre celui qui est enrôlé. À moins qu’il ne s’agisse d’un acteur s’échappant en passant de rôle en rôle. Et la roue tourne !
Retour à la rotondité
Dans Vieux pots, sauces et rosts mémorables Charles Gay cite Camille La Broue. « Cet aimable embonpoint que le commun des hommes / Vilainement nomma : / Ventre, bide ou bidon, chez les vrais gastronomes/ N’est que de l’estomac. » Et Charles Gay de rappeler « le général Gallas, représenté portant son ventre sur une brouette. »…
« Examinons l’honnête homme imposant par la taille et la rondeur de sa ceinture, le possesseur du large abdomen, témoin en période normale de la régularité et de l’abondance d’un ravitaillement familial quotidien de premier ordre… » Suit l’éloge de la bonne humeur, la faculté de résister aux chocs physiques ou affectifs qui glissent « sur le mince mais douillet matelas graisseux qui protège l’organisme de ce bienheureux. Contrairement au maigre, sensible au moindre heurt… »
Faire la roue
Terminons en poésie, avec Apollinaire
Le paon
En faisant la roue, cet oiseau,
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière.