Selfier

Selfier

29 mai 2024 Non Par Paul Rassat

La ville d’ Annecy que visitent tant de touristes prompts à s’y selfier ne sombrerait-elle pas elle-même dans la manie du selfie ? Le quartier du lac n’en serait-il pas l’exemple ? La poche du lac est devenue Le quartier du lac. Poche sentait son populisme et renvoyait à la poche du kangourou, animal volontiers bagarreur dont le nom est associé à un sous-vêtement masculin. Le  Quartier du Lac a ceci de bien vu que l’appellation sent la rénovation, le nouveau, le neuf. Du neuf dans l’historique, en quelque sorte.

Comment en est-on arrivé à ce résultat ?

Souvenir de cette réunion du Conseil de développement du Grand Annecy. Il s’agissait de réfléchir aux problèmes rencontrés par la jeunesse de la ville. Le président propose d’aller voir ce qui se fait dans les autres cités afin de l’adapter à la ville d’Annecy. Il semblerait que cette attitude prévale partout. Évitons de réfléchir par nous-mêmes, allons voir et nous faire voir ailleurs. Au lieu de « regarder la réalité en face », réellement, d’y réfléchir vraiment, adoptons des solutions en kit. Et selfions-nous de satisfaction. Souvenir de la restitution effectuée en 2017 par Jacques Lévy et Romain Lajarge devant les élus d’Annecy. C’était le résultat d’un long travail mené auprès des habitants. Un élu crut bon de faire remarquer que les habitants ne connaissent pas les vrais enjeux. Pourquoi ne pas les leur expliquer clairement  et prendre le temps d’une vraie concertation ?

Oui, s’il vous plaît, faites une pause !

La naissance du selfie

Le selfie est né il y a fort longtemps. Les prémices remonteraient à  Narcisse, peut-être avant. Le selfie moderne viendrait, lui d’un opéra de Gounod. L’air des bijoux y était interprété par Nelly Melba qui laissa son nom à un dessert. «  Ah je ris de me voir si belle en ce miroir ». On connaît la merveilleuse reprise qu’en fit La Castafiore.

Meli melo melba

Quel lien, vous demandez-vous, entre le quartier du lac, la Castafiore et le selfie ? La ville d’Annecy se regarde. Après être allée voir ailleurs ce qui se fait, elle se scénarise, se vitrinise croyant ainsi se mettre en valeur. La volonté d’écologie y est fondée et bienvenue. Mais son application pratique et esthétique est-elle adpatée à la cité ? Les vagues redondantes peintes sur le sol  pourraient relever de l’indigence intellectuelle. Tout comme l’indication «  Faites une pause ». L’esthétique du mobilier urbain laisse rêveur. Une passante, interloquée, voyait un abri comme un possible poulailler. Il est vrai que le matériau « interpelle quelque part », on ne sait pas où.

Le fond et la forme

Si la nécessité de réguler la circulation, de rendre plus agréable le centre historique de la ville est indiscutable, le résultat actel pose problème. Il semble même que les commerçants riverains n’ont pas été consultés. L’abri qui fait penser à un poulailler représente, vu avec un peu de recul, la forme de la lettre M. M le maudit, M. Chédid, M… À chacun son interprétation. Une passante relevait aussi que l’esthétique de cet abri dans la perspective du Pont des Amours, avec le manège en contrepoint, pouvait surprendre.

Tout seul…

Parmi les rengaines à la mode, celle-ci : «  Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Annecy semble aller vite et seule, sans prendre véritablement le temps de la concertation. Ira-t-elle loin ? La ville repousse ses propres problèmes à sa périphérie : nuisances diverses , pollution, embouteillages. Il est nettement plus facile pour les Annéciens de profiter de « ce merveilleux terrain de jeu » qui les entoure qu’à un habitant d’une commune mitoyenne de se rendre en ville.

À qui se selfier ?

Pour ou contre ?

Dernièrement la ville de Die a connu l’animation d’une casserolade à l’occasion d’un conseil municipal. Il y était question de l’hôpital mais aussi du plan de circulation et du réaménagement du centre ville. Ces questions touchent de nombreuses agglomérations. Peut-être nos zélus devraient-elles / ils reconsidérer la place d’une véritable concertation dans notre démocratie.