Stand up politique

Stand up politique

14 juin 2024 0 Par Paul Rassat

Le stand up fait recette. La vie s’y réduit à une scène sur laquelle défilent actrices, acteurs, formules, rire et provocation, provocation faisant rire. La vie, quoi ! Le rythme en plus. Tout défile, rien ne se défile. C’est un défouloir où tout dire, le plus souvent au ras du propos. C’est le jeu, les mimiques qui font passer l’ensemble. ( Photo : détail de chapiteau, abbaye de Cluny).

Le stand up politique

La coutume veut que les stand upistes interpellent le public. Pour se foutre de sa gueule et créer un lien tout à la fois. Ça commence par « Ça va Annecy ? » Pas les Annéciennes, ni les Annéciens. « Ça va Annecy ? » Comme si toute la ville était là, massée dans la salle, centre, périphérie, passé, présent et futur concentrés autour de la scène. On se souvient d’autres formules de stand up politique. « Françaises, Français…Travailleurs, travailleuses… Ça va la France ? » Bon, en direct, les Français répondraient que non. Les salaires, les impôts, la retraite, l’école, les conditions de travail. C’est pour cette raison que les politiques font le plus souvent du stand up à distance. Par médias interposés. Sinon, dans leurs meetings, le public leur est déjà acquis. Il arrive même que le public soit payé pour venir au spectacle.

Tout est spectacle

Par définition étymologique, tout est spectacle. C’est ce qu’explique Odon Vallet dans son Petit Lexique des mots essentiels. La racine du spectacle est le regard. Alors, tout est spectacle par capillarité de famille de mots : répit, espion, évêque, épices, espèce, introspection, horoscope…  » Nous dévisageons le monde avec nos verres correcteurs et chaussons de bonnes vieilles lunettes que l’anglais appelle spectacles. « 

Exceptions

Précisons ce qui a été dit quant au stand up politique. Ce que nous savons de la vie de Néron, par exemple, pourrait placer celui-ci tout en haut d’une affiche. Hitler ? Revoyez sa gestuelle très féminine à peine accentuée par Charlie Chaplin dans Le dictateur. Son sens de la mise en scène a subjugué le public de son époque. Les bons acteurs politiques ont tous un truc. Prenons le thème du déplacement sous l’actuelle République. La DS de de Gaulle, le camion de lait de Giscard, la Citroën de Chirac, les talonnettes de Sarkozy, le scooter de Hollande, le traverser de rue de Macron. Sans oublier les hologrammes de Mélenchon.   

Dyslexie   

Comme  les acteurs de stand up, les politiques nous interpellent, se fichent de notre gueule. Seule différence, on rit moins, le spectacle est permanent. Et pendant qu’une main nous divertit, l’autre nous dit de regarder la réalité en face. Nos neurones finissent par loucher, provoquant une dyslexie divertissante  au sens étymologique. Elle nous détourne de la réalité qu’on nous demande de regarder en face : injonctions contradictoires et rire garanti. Parfois jaune.

Déborder de la scène

Dans le genre provoc bien assumée avec visage impassible à la Buster Keaton pour établir la distance entre le public et elle, une stand upiste passée à Annecy répétait :  » C’est pour mon prochain spectacle ». Comme les acteurs, les politiques sont toujours en rôdage : c’est toujours lors de leur prochain mandat qu’ils donneront le meilleur d’eux-mêmes. Ils fourbissent leurs gags pour les toutes proches élections.