Stavros Skordas, le goût de la culture

Stavros Skordas, le goût de la culture

27 juillet 2022 Non Par Paul Rassat

Rencontre, il y a déjà quelques années, Stavros Skordas, qui joue un rôle intéressant dans le milieu de la culture. Il était question de faire connaissance et de parler de la programmation de la saison à venir. Cette saison étant passée depuis longtemps, reste le plaisir de la conversation, la conception de la culture. En voici un aperçu. [ Photo @ Christophe Rassat ]

Art et société

L’art contemporain est de plus en plus en prise avec les questions qui traversent notre société.

Ce sont des questions plus philosophiques que culturelles.

On tente de leur répondre par des choses qui frappent d’abord les sens.

Certains artistes partent de questions sociétales, politiques relevées autour d’eux pour créer des pièces et répondre à leur questionnement. D’autres partent de problèmes personnels qui touchent le public. Ils les traitent de façon qu’ils puissent avoir un caractère universel. Qui ça touche ? Comment ? D’où ça part ? Une question en engendre une autre. C’est ce qui est beau. Aimer ou non une pièce est une chose, mais on aime d’abord l’art qui pose des questions. C’est un art ! Le débat est un art. L’objectif n’est pas d’obtenir des réponses puisque celles-ci ne conviennent pas à tous. Il n’y a d’ailleurs assez souvent pas de réponse. Des arguments mais pas de réponse.

Ne pas aimer peut être utile

Il est important de ne pas aimer certaines œuvres artistiques. Cela aide à mieux définir ce qu’on aime. À mieux argumenter pour défendre ce qu’on aime véritablement.

Pendant l’adolescence c’est souvent par opposition qu’on se trouve.

Je me construis aussi comme spectateur. Je parle de théâtre, de cirque…depuis que je travaille dans le monde culturel. Maintenant je sais au bout de cinq minutes si je vais aimer ou non mais je ne sors jamais de la salle parce qu’il est important d’avoir un avis. Parce que c’est ma profession et aussi par conviction personnelle.

Avis personnel et professionnel

Il faut garder un avis personnel par-delà l’approche professionnelle.

Celle-ci nous demande de défendre des choses qui ne nous plaisent pas forcément mais qui vont plaire à tel ou tel public. L’intelligence consiste à trouver le public, et les arguments, auprès duquel défendre une œuvre.

Des arguments qui ne soient pas que du marketing.

Il y a toujours quelque chose à faire ressortir. Un respect pour le travail des autres. Il demande de la force, de poursuivre son chemin.

Savoir garder sa curiosité

C’est d’autant plus important que notre société fonctionne de plus en plus à partir de statistiques, de rentabilité.

C’est une réalité de notre société qui nécessite de voir comment on avance avec elle.

L’art, le théâtre sont une bouffée d’oxygène, une réflexion possible.

Je m’investis très vite dans un nouveau poste mais je garde toujours un regard extérieur, de spectateur, d’observateur .Ça me permet d’apprendre, de voir à qui je m’adresse.

Ouvrir la curiosité des publics

Alors que pas mal de gens ne cherchent pas à comprendre, manquent de curiosité.

Je respecte le travail de mes prédécesseurs et m’efforce de l’adapter à mon regard. Il s’agit de mettre en avant notre programmation et de permettre aux publics d’aller vers ce qu’ils pourraient aimer en donnant la bonne information. Vers le bon choix pas uniquement pour la structure mais aussi pour eux.

Le débat est un enrichissement

C’est intéressant parce que sévit dans l’art et la culture un langage assez stéréotypé.
On peut être amené vers ce type de communication. Il est difficile de connaître tous les spectacles d’une programmation très dense malgré tous mes efforts. En revanche je suis curieux, j’aime découvrir. Je suis venu seul, par exemple, à la musique classique…J’adore les artistes qui créent des débats. Ceci enrichit notre curiosité.

Le mouvement et le voyage

[Référence à Dada Masilo et sa Gisèle  «Les danseurs sont en mouvement. Elle est le mouvement. Comment fait-elle ? »]

Avec elle rien n’est dissocié, technique, réalisation, émotion.

Dada a commencé à danser à la Danse Factory, en Afrique du Sud, à l’âge de onze ans. Elle est désormais une star mais elle reste dans cette structure. À son âge être capable de dépoussiérer tout ça ! Quelle vision ! Elle n’oublie pas d’où elle vient et l’utilise. Il y a aujourd’hui plein de jeunes qui viennent de quelque part mais qui mélangent les cultures du monde. C’est d’autant plus marqué quand tu viens de pays qui ont un pied en orient et l’autre en occident.

La culture comme acte politique

Un autre axe de réflexion. En travaillant dans le milieu de la culture, tu fais œuvre politique.

D’autant plus qu’on ne travaille pas pour le salaire ! (rires). Défendre la culture est un acte politique. Il m’arrive de partir de dossiers artistiques incompréhensibles et de les rendre plus accessibles. J’ai besoin d’y croire, de défendre un projet. Je ne peux pas concevoir mon travail comme purement administratif, même si cette dimension est indispensable. Je considère qu’il faut se renouveler pour mieux servir la culture. Pour cela il faut alterner des pièces de qualité tous publics, d’autres d’expérimentation, un travail suivi auprès des artistes innovants. Cinéma, danse, théâtre, cirque et art du geste, nouveau cirque (que l’on n’arrive pas à définir, et c’est tant mieux), musique contemporaine et classique.

Ce qui échappe à la définition aiguise la curiosité. « Et c’est tant mieux »