Suite de La Halte de l’Abbaye
7 août 2025Épisode 3 du récit La Halte de l’Abbaye et les bienfaits de l’anthropophagie. ( Photo d’un billet signé du cuisinier, accompagnant un steck tartare).
Désormais connu et reconnu bien au-delà de la région, le couple Torlane est resté simple et a gardé son restaurant au lieu de se lancer dans une chaîne de restauration ou dans la diffusion mondiale d’un hamburger à la viande humaine qui lui aurait valu fortune et renommée.
Si Monsieur Torlane aime le cinéma, il ne va pas jusqu’à la tentation de jouer au clown version Mac Do.
Le couple sait même se faire désirer.
Un panneau affiché dans la salle du restaurant résume toute sa philosophie de la vie
« Ouverture selon l’humeur
Fermeture selon l’état. »
C’est qu’il faut savoir entretenir le désir, ne pas restaurer tout bêtement pour satisfaire la faim des clients mais en respectant une esthétique de la vie. La frustration engendrant le désir, le restaurant est donc ouvert selon l’humeur ou fermé selon l’état. Quel état ? Mystère. Les clients grincheux s’en plaignent, les autres espèrent et attendent comme une récompense le moment de goûter à des produits et à des recettes inédits.
On évoque depuis si longtemps la restauration de l’abbaye de Cluny alors que celle de la Halte de l’Abbaye réjouit les papilles du monde entier !
Signalons le livre que Monsieur Torlane vient d’écrire, Viandes d’ici et d’ailleurs, édité chez Bon Appétit, messieurs dames ! Il y est question des différentes découpes de la viande pratiquées à travers un éventail de pays, de recettes des morceaux nobles mais aussi de la mise en valeur des bas morceaux et de recettes tripières ainsi que des techniques de cuisson. Le meilleur en a été sélectionné afin d’être adapté à la viande humaine.
Le chapitre le plus intéressant concerne certainement toutes les manières de s’approvisionner en matière première.
Monsieur Torlane est partisan d’une approche naturelle de l’approvisionnement, biologique au sens premier du terme. Il s’oppose à l’élevage en batterie, au conditionnement industriel et préfère la main du destin…quitte à aider légèrement celui-ci, en douceur. De la viande humaine standard, donc, imprégnée de produits chimiques, d’antibiotiques, de pesticides, de perturbateurs endocriniens qui en relèvent le goût et en assurent la tendreté.
Un livre indispensable dans toutes les cuisines car il associe gastronomie et philanthropie.
On comprendra aisément que la Halte de l’Abbaye est ouverte selon l’humeur mais aussi selon arrivage.
Février 2018
_ Madame, monsieur Torlane, nous vous pensions parvenus au sommet et voilà que vous nous surprenez encore avec cette nouvelle recette de steak tartare. Merci de nous accueillir et de nous parler de cette innovation.
_ Nous l’avons baptisée « Le steak tartare d’un an. Vous vous souvenez que tout était parti de notre fameuse cave située sous la salle de restaurant. Eh bien, la sérendipité a encore opéré. J’étais descendu chercher du vin, je suis remonté avec une recette. Derrière les caisses de Montagny se cachait un cadavre oublié depuis un an. Nous avons pu en avoir la certitude par la facture du restaurant retrouvée dans la poche de ce client.
Grâce à la température constante de huit degrés, aux taux idéal d’humidité et à l’obscurité, la viande à mûri de manière exceptionnelle ; c’est ce qui nous a décidés à la proposer en tartare.
_ Il paraît qu’il faut réserver trois mois à l’avance pour avoir une table à la Halte d’ l’Abbaye. Entre la restauration et la visite de la cave vous comptez désormais plus de visiteurs que l’Abbaye de Cluny.
_ Effectivement, et nous avons ainsi une matière première de qualité grâce à nos visiteurs qui, pour la plupart, sont des gens de goût.
_ Il paraît que vous avez déjà d’autres idées.
_ Que nous devons garder secrètes, mais nous pouvons vous dévoiler que nous allons commercialiser un modèle de cave identique à celle que nous avons ici, sous vos pieds. Les dimensions, l’organisation, les matériaux, le degré d’hygrométrie, la température seront scrupuleusement respectés et y seront entreposés les mêmes vins que chez nous. Nos premiers clients sont Japonais, ils ont déjà commandé deux cents caves.
_ Vous ne craignez pas l’envolée actuelle de végétarisme, du végétalisme, du vegan ?
_ Pfft ! Des mots qui commencent tous par la même syllabe que « végéter ». Alors que « viande » commence par « vi ». Il n’y a pas photo.