Ultime

Ultime

2 août 2023 Non Par Paul Rassat

L’adjectif ultime présente l’avantage de se situer à la fois dans l’espace et dans le temps. Il signale l’endroit le plus éloigné ou bien la fin d’un processus, son dernier degré d’accomplissement. Après ultime y’a plus rien. Le mot est en soi un super superlatif. Car notre monde a besoin de superlatifs.  Le moindre air de musique devient un opus. Oui, après avoir été parfaitement devient carrément. Pour impressionner le chaland  des médias, le moindre truc se doit d’être culte sinon mythique. Remarquons qu’en déclarant soi-même mythique un truc que l’on vit, on accomplit un exploit performatif. Nous donnons en temps réel un statut qu’il aura demandé plus de deux mille ans pour qu’on l’attribue aux histoires de l’Antiquité ! Le mythe ne serait-il pas la déclaration elle –même qu’un événement est mythique ?

L’expérience ultime

Et puis, bien sûr il faut vivre une expérience ultime. En immersion. Un peu comme la chèvre de Monsieur Seguin racontée par Gad El Maleh. Elle parvient au «  pic de la montagne. Ça veut dire le maximum de la montagne…Après, c’est l’oiseau. » Et pendant ce temps, Monsieur Seguin s’inquiète «  Cette chèvre, j’espère qu’elle n’est pas allée sur le maximum de la montagne… » Le maximum de la montagne rend ultime l’inquiétude de M. Seguin.

La ligne d’horizon

Si tout est ultime, qu’est-ce qui l’est véritablement ? Même les moments ultimes de la vie posent alors problème. Ils se mêlent à tout ce qui est ultime et deviennent donc banals, quotidiens. L’ultime se transforme en une ligne d’horizon qui recule à mesure que l’on avance. On finirait pas ne plus croire même aux ultimatums !

Le champ des possibles

Comme la ligne d’horizon, le champ des possibles évolue à mesure qu’on avance. On nous annonçait naguère un futur et des lendemains qui chantent. Le futur est devenu désirable. Et «  Le désir s’accroît quand l’effet se recule » nous apprend Corneille. Pas le chanteur, l’autre. À élargir le champ des possibles, on parla, à propos de Charles Quint, de son « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. » Louis XIV lui répondit en devenant le Roi Soleil. Puis on alla sur la lune et plus loin encore. Le chant des baleines qui sillonnent les vastes mers ajoute au chant des possibles imaginaires. Celui des sirènes avait provoqué Ulysse, qui l’avait vaincu. Les dauphins, eux, sont muselés par les armées qui les transforment en espions ou en kamikazes à l’insu de leur plein gré. Tout ça pour étendre le champ des possibles des armées qui n’ont toujours pas retrouvé la clef du champ de tir.