Vinaver, d’argile et de verre

Vinaver, d’argile et de verre

27 septembre 2022 Non Par Paul Rassat

Le laveur de carreaux du Mamco

Arrivée au Mamco de Genève ce 19 septembre pour y voir et entendre 11 septembre 2001 et Les Troyennes de Michel Vinaver. Pierre Dubey poursuit son hommage à l’auteur dans son espace d’élaboration du Mamco. Tout début de soirée. Un labeur de carreaux s’active sur la façade du bâtiment qui donne de la lumière à la salle de représentation. Un samedi. À cette heure ? Il fait partie du spectacle. Dans un moment, il sauvera des vies. Il ne le sait pas encore. Nous non plus.

Toutes les voix

L’art de Vinaver passe par l’expression de toutes les voix. Dans 11 septembre, vivants et morts. Les acteurs, les victimes, les techniciens, les proches, les « responsables «  …Toutes voix rassemblées sur scène qui se croisent sans se rencontrer. Dans cet enchevêtrement on apprend que le laveur de carreaux, grâce à sa raclette, a sauvé plusieurs vies. Le laveur de carreaux du Tamco et des Twin Towers. L’esprit voyage. Le théâtre lui joue des tours. Chacun, sur scène, dans la vie, est pris dans une trajectoire parfois accidentellement interrompue. Pendant ce temps la voix de Bush encourage à consommer. L’économie ne doit pas s’effondrer comme un château de cartes à Wall Street. Fluctuat Titanic nec mergitur!

Économie toujours

Cette petite salle du Tamco est un bijou d’inventivité. Les éléments constituant la scène, entièrement mobiles, deviennent décor, sièges, supports d’images. Ils forment un véritable lieu de rencontres, de jeu, de destinées, de pensées incarnées. L’économie de moyens pousse à l’ingéniosité permanente. Au mouvement qui accompagne et renforce le sens. Les percussions tranchantes du texte ajoutent à la force brute de la représentation. Les faits précis, datés, deviennent un récit hors du temps. Nous sommes en lui. Il nous surplombe et nous emporte. Au point qu’on peut penser à Alamut, au Vieux de la montagne… Le « journalier », l’Histoire, la légende se rejoignent dans l’écriture de Michel Vinaver et le travail de Pierre Dubey.

La symbolique de la réalité

Pierre fait tenir certains rôles féminins par des hommes. Avec Les Troyennes, on replonge ainsi dans la mémoire du théâtre. À l’inverse, c’est une femme qui tient le rôle d’un islamiste refusant tout contact avec les femmes. Joli tour ! Et puis…la vie est glissante. Comme cette argile dont se recouvrent entièrement les comédiens pour Les Troyennes. Le pas est alors incertain. Il faut l’assurer à tout moment sur la scène afin de ne pas perdre un équilibre fragile. C’est que les Parques veillent !

PS

À revoir l’histoire de Troie, on se prend à penser qu’il faudrait interdire tous les concours de beauté…