Les lacustres
20 septembre 2023Le musée château d’ Annecy poursuit son travail de conversation ( et de conservation) entre ses collections historiques, archéologiques et l’art contemporain. C’est dans cet esprit que Joël Gangloff a réalisé, en grande partie sur place, l’œuvre intitulée Les lacustres. Elle établit un jeu esthétique avec les sites palafittiques du lac d’Annecy et les objets que l’on y a retrouvés.
Entretien avec Joël Gangloff
Ce qui m’intéresse, entre autre, dans mon travail, c’est qu’il faille passer du temps à l’apprécier, à le comprendre.
Vous conciliez une structure très rigoureuse, par exemple dans la perspective, et une dimension exubérante qui relève du jeu.
Tout ce qui est construit, architecture, posé et réfléchi est, pour moi, la trace de l’Homme. La nature, même si elle est très structurée, pousse vers la lumière en un combat que j’essaye de représenter. Je ne traite pas vraiment des plantes mais de l’exubérance, de l’énergie que développe la nature. Ma peinture est très gestuelle. La peinture, en quelque sorte, se fait par elle-même. Elle est réfléchie davantage dans le geste, dans le mouvement que dans le dessin qui, lui, enferme l’architecture.
Réalisme virtuel
Devant votre toile, on assiste à une rencontre entre une forme de réalisme et de virtuel.
Je réalise la plupart de mes croquis sur tablette. Aujourd’hui, on pose un croquis, on trace les lignes en trente secondes. Je me sers beaucoup de l’informatique et celle-ci amène une esthétique. Elle n’apparaît pas que dans les lignes mais aussi dans le fait qu’on peut enlever des zones. C’est alors le fond qui apparaît et j’utilise ce procédé informatique en peinture.
Le mouvement
L’outil pourrait devenir un enfermement. Vous échappez à ce danger. Et votre toile offre des échappées extraordinaires. Le feuillage devient oiseaux qui disparaissent dans un puits niché au creux des montagnes. On ne sait pas s’ils y disparaissent ou s’ils en émergent : le mouvement est double.
C’est ce que je cherchais. La couleur orange donne un mouvement qui vient vers nous mais qui, en même temps, se trouve derrière. Il y a un décalage. C’est pour cette raison que je parle de la perspective de la couleur qui joue sur l’oranger qui vient vers nous et sur les bleus ou violets qui sont plus profonds. Cette opposition est intéressante pour l’œil.
La couleur
Et pour le cerveau. De ces jeux que nous signalons naît la dimension poétique. La montagne devient un calice. La peinture devient une métaphore qui transforme les feuilles en oiseaux, les oiseaux en fleurs. Et puis vous représentez le passé lointain et on y sent ce que pourrait être le futur, dans une sorte d’intemporalité.
Je mêle le contemporain, avec l’informatique, à l’ancien représenté par certains objets. Un autre aspect m’intéresse. Quand on parle archéologie, habituellement on ne prend pas vraiment en considération la couleur. Elle a disparu presque totalement sur les objets que l’on retrouve.
L’ombre et la couleur
Comme sur les statues antiques.
Je me suis dit que nos ancêtres devaient vivre dans un milieu où la couleur était importante. Et puis la couleur est très présente dans ma peinture.
On a pratiquement du Gauguin au bord du lac d’Annecy.
Ça me va très bien ! En me promenant ici, je me suis rendu compte que les ombres sont très violettes. À Marseille, les ombres auraient été bleues. La montagne et le lac amènent une couleur spécifique… Gauguin, bien sûr, j’adore !