L’Université Populaire d’ Albertville
29 septembre 2023Rencontre avec Éric Rousseau
Le premier à avoir pensé à l’université populaire est vraisemblablement Victor Hugo. Elle a été concrétisée à l’étranger par un Danois, le pasteur Grundtvig. En France, c’est la philosophe Simone Weill qui a émis l’idée d’une université pour le peuple.
Les Universités Populaires sont des associations indépendantes les unes des autres. Chacune définit ses statuts. Albertville est reliée depuis peu à l’association des Universités Populaires de France qui en regroupe à peu près une centaine.
Les frontières et les limites
L’Université Populaire d’Albertville a défini dès le départ, il y a cinq ans, un axe de réflexion : les frontières et les limites. Il nous arrive d’intervenir à propos du loisir, mais nous préférons traiter de choses plus essentielles en explorant les limites. En suivant Aristote, traçons un cercle. L’intérieur est ce que je connais, l’extérieur ce que je ne connais pas. Plus le cercle grandit et plus la frontière entre le connu et l’inconnu croît. Nous explorons les limites dans ce sens-là, mais également les limites de l’époque et du milieu. Si nous nous reportions il y a dix ans en Inde, il serait possible d’évoquer la difficulté à dissoudre les castes dans un pays qui devient ultra moderne. Mais nous sommes en France, maintenant. Voici un aperçu non exhaustif de nos explorations.
Quelques exemples
Les limites de l’esprit ont donné une conférence intitulée « Quoi de neuf sur le cerveau ? » L’éducation a été abordée avec les sept savoirs nécessaires à celle-ci, en référence à Edgard Morin. La guerre des terres et des métaux rares touche aux limites de l’environnement. Les ciseaux moléculaires, la capacité à traiter chirurgicalement les gènes aborde les limites de la biologie. Le suicide assisté, la fin de vie posent les questions des limites morales. Les nouvelles formes de gouvernance et de démocratie sont du domaine de la politique. Les utopies relèvent du domaine de la vie quotidienne. Ce ne sont que quelques exemples de nos productions sur cinq années. Et nous en avons autant à traiter.
Il n’y a pas de limite à l’exploration des limites
C’est l’image du cercle qui grandit. La diversité des sujets de conférences fait que les publics changent d’une rencontre à une autre. L’éternel féminin ? touchait au féminin et à la féminité. L’assistance était composée de femmes allant de vingt à plus de soixante-dix ans. Le thème du silence qui fait du bien au corps a rassemblé trois intervenants : un moine, un médecin et un berger.
Quelques interventions mémorables
Une intervention qui m’aurait particulièrement marqué ? La seule chose que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas eu de mauvaise intervention en cinq ans, cent-soixante-seize activités et quarante-deux lieux. Je m’en réjouis.
Bon, oui, Axel Khan sur la bioéthique et deux cents cinquante soignants, c’était pas mal ! Dans un autre genre, ce qu’on a fait sur la voiture autonome est tout à fait remarquable parce que ça soulevait tout un tas de limites. Les nouvelles routes de la soie, avec les projets des Chinois en matière de géopolitique mondiale, était tout à fait étonnant aussi. J’ai un souvenir très particulier de ce que nous avions nommé La crise en Ukraine. Nous avons été tristement dans les temps, dans le passage de la crise à la guerre. Au moment de la crise des Gilets Jaunes, nous avons intitulé une rencontre De quelle couleur est ton gilet ? Certains défendaient les Gilets Jaunes, d’autres les Gilets Verts, d’autres aucun gilet.
Faire trace
Vous allez faire paraître un jour L’Encyclopédie de l’Université Populaire d’ Albertville ?
On n’en est pas là (rires). Nous avons quelques captations, très peu. Il reste une liste de contacts et de bonnes volontés extraordinaires capables d’intervenir sur toutes sortes de sujets. Notre site internet est en train de faire la mémoire de tout notre travail. On peut en trouver des traces sur les réseaux sociaux. Notre Université a commencé comme un bricolage entre copains et nous pensons maintenant à indiquer des sources de réflexion pour étayer notre action.
Les questions des bouffons
Le sujet particulièrement important qu’il resterait encore à traiter ?
L’identitarisme, avec un identitaire et que le débat puisse se passer correctement. Pouvoir explorer la raison pour laquelle, dans un monde de plus en plus complexe et de plus en plus connecté, les replis identitaires sont de plus en plus prononcés. Replis culturels, religieux… Il serait intéressant d’en parler sereinement. Michel Serres disait que nous sommes tous des Arlequin. Tous, nous faisons le clown !
Le clown, le bouffon seraient-ils les personnes qui posent les bonnes questions ?