L’Éditaupe #7 — Meilleurs vœux de la taupe
7 janvier 2021— Certains pensent qu’on se floute de notre gueule ;
— VGE éteint la mèche ;
— Le Corona fait de la mousse ;
— Un vaccin sinon rien ;
— Violences policées : l’art de vivre à la française ;
— Maradona : la main de Dieu ne dribble plus ;
— Le virus du brexit isole la Grande Bretagne ;
— La visioconférence.
La visioconférence et l’image
Le succès de ce succédané lié au développement du télétravail nous renvoie à la notion d’image. Par définition, celle-ci est la représentation perceptible d’un être ou d’une chose, nous dit le TLFi. Elle en est aussi la représentation mentale. Au 18ème siècle, l’image était le fait de se souvenir, l’impression qui demeure en mémoire, le souvenir. L’imago latine pouvait aussi être l’ombre d’un mort, un songe, une apparition. Quelles images des autres nous apparaissent conjointement en visioconférence ? ce procédé répond-il à toutes les attentes humaines?
Penser et réfléchir
L’image est aussi la reproduction inversée d’un objet renvoyée par une surface réfléchissante. Une surface qui réfléchit pense-t-elle ? Faut-il réfléchir avant de penser ? Car penser sans être réfléchi soi-même dans un miroir aurait tendance à prouver qu’on est un vampire qui se nourrit du sang et des idées des autres. Un vampire en perpétuelle transfusion d’informations mais pas forcément de connaissances.
Narcissisation galopante
Plus personne ne se risquerait aujourd’hui à rembarrer quelqu’un d’un « Va voir ailleurs si j’y suis ». Jean-Luc Mélenchon s’y est risqué avec ses hologrammes. Le résultat est passé pour ringard. Et puis les écrans font qu’on peut effectivement être à la fois ici et là ou ailleurs. Une autre expression comme « Va te faire voir » est appelée à disparaître. Dans le même temps, nous devenons tous des Narcisse nous selfiant, nous voyant sur nos écrans partagés aussi bien que nos interlocuteurs // intervoyeurs.
Avant le selfie et les visioconférences, on voyait le monde par l’intermédiaire de nos écrans. Désormais ceux-ci nous montrent faisant partie du monde. À croire que celui-ci n’existe que par l’intermédiaire de notre propre image.
Le virus de l’image qui fait foi
Une image réussie devient virale. Elle submerge les réseaux sociaux et les médias. On dit parfois « Je vois » en place de « Je comprends. » L’évolution fait voir, remplace et court-circuite comprendre. Puisque je vois, je n’ai plus besoin de comprendre, les deux étant confondus.
L’image de soi remplace la conscience devenue inutile : le selfie me prouve que j’existe. L’expression « Vu à la télé » qui donnait à un produit tout son poids de crédibilité a été remplacée par l’usage du selfie. Je suis crédible parce que je me vois. Aux chiottes Descartes et son « Je pense donc je suis. »
Entrevue vs Interview
La prégnance anglo-saxonne transforme en interview la rencontre avec une personne en vue de rapporter plus ou moins habilement et honnêtement les propos de ladite personne, que quelques photos rendent miraculeusement bien plus intéressants. En français basique une interview serait une entrevue, concept qui repose sur la rencontre. Le substantif prend une dimension toute professionnelle et journalistique grâce à la touche anglonne (contraction d’anglo-saxonne). Il est établi qu’une visioconférence n’est pas une interview et que pendant que nous sommes réfléchis par les écrans de nos téléphones il n’est pas interdit de penser.
La continuité par l’image
Pendant le confinement d’Emmanuel Macron à la Lanterne, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, a déclaré « Le Président de la République est à la tache. » « Le Président de la République est au travail » eût paru quelconque, normal. « La tache » sent son poids de concentration et de sueur nécessaire pour donner de M. Macron une image qui puisse impressionner les neurones et l’œil des Français si perturbés en ce moment. On aurait mal vu le Président jouant au petit train, encore moins à la console de jeux sachant que le mot « console » cousine avec le consolateur, l’appui dans les stalles de chœur et aussi avec le banquet funèbre.
Mais bon, un Président en grand consolateur à la tache, ça aurait de la gueule, non ?
Les vœux de la taupe
« Fais un vœu » nous disait-on quand nous avions un cil sur une joue. Il fallait alors formuler un vœu in petto et toucher la joue où se trouvait le cil pour que le vœu se réalise. Se toucher la joue aujourd’hui avec le masque, c’est mal barré.
Savez-vous cependant que vous faites un vœu chaque fois que vous votez ? Le vœu et le vote viennent également du votum latin qui était aussi une promesse faite aux dieux. Il est vrai qu’un vote est parfois odieux. Quant à l’ex voto, il est aussi bien : demande, vœu, que remerciement.
Des vœux pour 2021 ? Les scrutins départementaux et régionaux si vous manquez d’inspiration. Les fréquentes votations suisses expliquent le bonheur des citoyens helvètes.
Le temps passe, la taupe creuse.