Jésus

Jésus

26 février 2024 Non Par Paul Rassat

Kurt Cobain, Jim Morrison, Jimi Hendrix sont morts à 27 ans. James Dean à 24. Bob Marley, Marilyn Monroe à 36. Jésus à 33 ans. Tous devenus des stars car ils sont morts jeunes. Imaginez Jésus vivant jusqu’à 92 ans. On l’aurait confondu avec Dieu le Père. Et puis, un vieux sur la croix n’aurait pas fait le même effet qu’un jeune mec dans la force de l’âge. La notion de sacrifice n’eût pas été la même. Né dans une étable, Jésus aurait pu mourir dans un Ehpad. Sans les rois mages des réseaux sociaux, on n’aurait même pas parlé de lui. ( Dessin de Franz Schimpl).

Et pourtant. Il m’est arrivé un drôle de truc. Je crois que j’ai rencontré le vrai Jésus. Il bosse à la télé comme assistant mais il n’arrive pas à percer, on lui pique toutes ses idées parce qu’il ne pense pas à les protéger.

Les séries, par exemple, c’est lui, avec le chemin de croix en quatorze saisons.

Le plus grand cabaret du monde ? C’est lui ! Avec des tours qui n’ont jamais pu être reproduits : la marche sur l’eau, la résurrection de Lazare (non, pas la banque, Lazare avec un e à la fin).

Avec quelques morceaux de bois, quelques clous, deux larrons et quelques figurants, il est capable de t’improviser un spectacle en mondiovision. Il déborde d’idées, mais parfois on le comprend mal. Quand il a dit, par exemple « Laissez venir à moi les petits enfants » au cours d’une émission jeunesse, certains l’ont pris pour un pédophile et ça lui a valu quelques problèmes. Quand il a voulu lancer « Survivor », avec les conditions de survie les plus extrêmes pour les candidats, comme un déluge, un tremblement de terre, son idée a séduit. Mais la survie dans le ventre d’une baleine a coulé son idée. Il n’avait  pas pensé que les baleines sont une espèce protégée.

    Ce Dieu, t’as l’impression qu’il sait tout faire. Il a travaillé un temps dans la couture, chez Christian Lacroix, parce qu’il avait déjà travaillé, à ce qu’il dit, dans la création. Chez Lacroix, il était petite main, il faisait les dernières retouches ; mais il n’a pas voulu y rester quand Lacroix a changé de mains. Il a travaillé aussi dans la restauration. À ce qu’il dit, il aurait inventé une sorte de chaîne de fabrication et de distribution de fish and bread. Gros succès, mais qui n’a pas duré. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques du bonhomme. Il met le paquet pendant quelques jours, abat un boulot de conception et de création énorme, et puis il se met à glander. Sans ajustements permanents, sans maintenance, sans service après- vente, rien ne peut tenir ; même pas le projet le plus grandiose.

   Il y a vraiment très très longtemps, il a créé de toutes pièces (en fait, les pièces, c’était simplement les quelques clous et les morceaux de bois) une énorme multinationale qui continue à prospérer et rapporte, paraît-il , un pognon de dingue. Eh ben, il a pas pensé à déposer de brevet. Les actionnaires de sa société et ceux de deux sociétés concurrentes passent leur temps à se bouffer le nez pour les droits d’antériorité, la pub, les royalties….

   Il aurait même inventé la communication sans fil. Tu parles à un mec, et c’est un autre qui t’entend, à l’autre bout de l’univers. La délocalisation, c’est lui. Le virtuel aussi. Et puis les réseaux sociaux.

   À se demander pourquoi il perce pas vraiment à la télé. Une impression indéfinissable de déjà vu qui rassure et qui lasse en même temps. Un look de soixante-huitard trop clean. T’arrives pas à le classer. Un côté simple, peuple, mais en même temps pas une faute de prononciation, pas une faute de français. Quand t’es à la télé, ça choque.

   Ouais, au fond, assistant, c’est vraiment sa place, à Dieu, ou à Jésus, on ne sait pas bien.

C’est pourtant lui qui a lancé le principe de l’économie d’énergie ; là où certains se mettent en quatre pour un résultat approximatif, il excelle en se mettant seulement en trois.