Fouilles, trou, plaisir

Fouilles, trou, plaisir

23 avril 2024 Non Par Paul Rassat

Madame Rachida Dati, ministre de la culture de la République française déclarait début avril 2024 « Il ne faut pas faire des fouilles pour se faire plaisir »…et qu’elle préférerait « mettre de l’argent dans la restauration du patrimoine que de creuser un trou pour un trou. » Madame Rachida Dati étant ministre de la culture de la République française, cette déclaration mérite réflexion et approfondissement. Nous n’en serions plus à cette période où l’on creuse un trou pour le plaisir. L’âge venant, il faut songer à préserver le patrimoine. Sagesse !

Le trou

Appel à contributions pour un colloque in Calendrier des sciences humaines et sociales, Calenda. Extraits :

« Qu’est-ce qu’un trou ? Objet mal identifié au son incongru, bien qu’ayant une origine étymologique très claire, il passe souvent inaperçu, n’intéressant que très peu la science, mis à part quelques astrophysiciens (Hawking) et psychanalystes (Lacan). Voilà un premier trou, celui de la conscience. Fournissant de nombreux services à nos sociétés, dans nos activités au quotidien, il a donc une histoire, une géographie et donc un registre lexical étendu pour le nommer. Si le trou préexiste à l’homme, il est pertinent d’analyser la manière qu’a eu ce dernier de s’en saisir, car il l’a largement développé sur le plan technique mais aussi en tant qu’il est une hétérotopie (Foucault) et un dispositif (Heidegger et Rebout) sur un plan politique et anthropologique…

Les trous

Détrompez-vous, le trou n’est ni futile, ni anecdotique et encore moins vulgaire. Au contraire, on peut s’en emparer pour en faire un objet de pensée touchant au réel ou à l’imaginaire, au moins faire surgir la complexité du monde à son contact… Le trou porte en lui un pouvoir immense, celui d’interroger le monde, les sciences et les hommes…Il existe cependant des vraies figures du trou : le trou noir connu désormais de notre monde contemporain, le punctum, le nombril et l’omphalos, le trou de serrure, lesquels pourraient réclamer à eux seuls des ouvrages indépendants… »

Extrait de Aristote chez les Helvètes

« Sans trous, pas d’emmental. Si vous pensez pouvoir trouver une exception, ce ne sera pas de l’emmental. Comme une couleur sans étendue ou un son sans durée, l’emmental sans trous est un non-sens…Une tranche d’emmental est pleine de mystères métaphysiques. À la fin des années 1920, Kurt Tucholsky réfléchissait à la question « D’où viennent les trous dans le fromage? » Il y a fort à parier que la plupart d’entre nous ne sauraient quoi répondre. Toutefois, ce n’est qu’un début. Le vrai mystère n’est pas de savoir d’où viennent les trous, mais d’abord de savoir s’il y en a. Après tout, les trous sont des exemples paradigmatiques d’absences, de non-entités, de riens, de choses qui n’existent pas. Comme le dira Tucholsky lui-même quelques années plus tard: « Il n’y a de trou que là où il n’y a rien. » Seul un philosophe austère oserait peut-être douter de la réalité du fromage que nous mangeons et de celle des autres objets. Mais peut-on sérieusement admettre la réalité des trous ? »

Retour aux origines

Dans À mots découverts Alain Rey écrit : «  Trou est troublant…En fait, ce mot semble avoir toujours été là, sans doute avant ces bons vieux Gaulois.» L’origine étymologique du mot trou est incertaine, son sens ambigu. On peut faire son trou ou bien tomber dedans. Et Alain Rey de conclure : «  Les trous, blessures ou orifices nécessaires ? » Espérons que madame Rachida Dati, ministre de la culture de la République française, saura répondre à la question que pose Alain Rey.