Henri Martin Henri Le Sidaner
10 juin 2024Deux peintres ,réunis par l’amitié pendant leur vie, au Palais Lumière d’Évian qui propose l’exposition Henri Martin Henri Le Sidaner Deux talents fraternels. À voir jusqu’au 5 janvier 2025. Les scénographies du Palais Lumière habitent parfaitement le lieu. Frédéric Beauclair nous en dit quelques mots. C’est ensuite Yann Farinaux-Le Sidaner qui nous présente l’esprit de l’exposition dont il est le commissaire scientifique. Un très court échange avec William Saadé permet au préalable de donner la ligne artistique et culturelle des expositions réalisées au Palais Lumière : montrer, faire redécouvrir des artistes qui ont eu un lien avec Évian. Comme ils sont nombreux… Dans ce même esprit, William Saadé contribue à faire que la ville se redécouvre elle-même. La coupole du casino dégagée de ce qui la cachait, restaurée, en est un exemple parmi d’autres.
Bustes d’Henri Martin par Henri Bouchard et d’Henri Le Sidaner par Félix Desruelles.
La scénographie avec Frédéric Beauclair
Il y a un jeu de correspondances entre les photos tirées les toiles qui invitent à une circulation dans l’exposition tout en apportant des informations et les œuvres des deux peintres : Le pointillisme et les pixels.
On parle de grain en photographie. Il vous faut aussi un petit grain de fantaisie pour que l’exposition joue sérieusement.
Il est important de chercher à s’amuser, à se surprendre. Il ne s’agit pas de suivre une recette.
Quelle serait non pas votre recette mais votre signature ?
La lumière à travers…des effets de lampions. Si vous les enlevez, il n’y a plus rien. Avec ou sans l’ambiance générale, un tableau n’est plus pareil. L’architecture lumineuse est essentielle. Je n’aime pas entrer dans une salle où l’on a tout vu d’un coup. On découvre à travers, progressivement. La surprise est toujours possible, l’espace structuré offre en permanence des angles de vue différents. On vient me chercher pour cette façon de faire, alors j’évite de me copier ! Le développement durable est à la mode. Ici, au Palais Lumière, impossible d’être plus éco-responsables. Je réutilise des cadres qui ont servi dans d’autres configurations. On y fixe de nouvelles toiles qui créent chaque fois une nouvelle ambiance, de nouveaux espaces.
La conversation se poursuit avec Frédéric. Il y est question des études difficiles pour un dyslexique jusqu’à l’épanouissement du scénographe.
Yann Farinaux-Le Sidaner
Ces deux artistes, Henri Martin et Henri Le Sidaner, ont été regardés par leurs contemporains comme des talents fraternels, mais c’était deux natures entièrement différentes. Henri Martin est très timide. Sidaner, lui, est réservé mais pas timide. Dès ses débuts à Toulouse Henri Martin additionne les succès, les médailles. À Paris ensuite, il est l’élève préféré de Jean-Paul Laurens . Le Sidaner est né à l’île Maurice, il y passe les premières années de sa vie, il grandit à Dunkerque. Ses premières études sont difficiles. Dès qu’il entre aux Beaux Arts, il a une bourse de la ville de Dunkerque. Il s’enfuit à Étaples où commence notre exposition. Sur la baie de Canche il va apprendre à rendre la lumière du nord. Il passe de la clarté des mers du sud à ce nouvel univers.
Une partie de cette exposition est passée par le Japon. La relation à l’image y est particulière. Comment l’exposition a-t-elle été reçue là-bas ?
Une première exposition Le Sidaner s’est tenue au Japon il y a dix ans. Elle a duré très longtemps. Les Japonais y trouvaient une résonance avec leur sensibilité. Trois ans plus tard nous avons réalisé l’exposition Les Impressionnistes, le temps de l’intimité qui a été accueillie ensuite au Palais Lumière. Les Japonais ont pu découvrir ces Intimistes que l’on connaît très peu, à l’inverse de Renoir ou autres. L’aventure a continué avec l’exposition Le Sidaner / Henri Martin. Si les musées japonais possèdent quelques unes de leurs œuvres, le public, les connaît peu. Même en France.
Ce qui a fait la gloire de Le Sidaner, ce sont ses ensembles de Venise, au crépuscule, à la nuit. Les amateurs anglo saxons leur préfèrent les toiles peintes dans la cour de sa maison. Les invités viennent de partir. Ils ne sont plus là mais on devine leur présence.
Tout le monde ici, au Palais Lumière, vous connaît bien et dit que vous avez de l’humour. D’où cette question : « Tout ceci est-il bien sérieux ? »
Je pense que les artistes font comme ils peuvent, comme ils veulent…Il faut dire un mot du néo impressionnisme. Signac, le fils spirituel de Seurat a écrit vers 1892 un texte où il s’en prend à Henri Martin qui a toujours connu le succès et qui se met, vers la fin des années 1880, à peindre par petites touches, sans connaître ni les Impressionnistes, ni les Divisionnistes. Il présente au salon une immense toile, La fête de la Fédération. Elle sera jugée très mauvaise vingt ans plus tard, mais elle connaît un grand succès sur le moment. Signac en prend ombrage. Les contemporains ne se soucient pas de cette polémique puisqu’ils rendent hommage aussi bien à Henri Martin qu’au talent de Le Sidaner pendant toute la carrière de ceux-ci.
Les néo impressionnistes, eux obtiennent un contraste non pas avec les valeurs, les tons plus ou moins clairs, mais avec les couleurs. Le Sidaner et Henri Martin ne respectent pas du tout l’orthodoxie impressionniste ou divisionniste. Personne ne s’en est soucié jusqu’au lendemain de le seconde guerre mondiale. Jusqu’à ce que les historiens reviennent au texte de Signac !
Vous vous en amusez !
Bien sûr ; en vérité chacun fait comme il peut. Signac a été un grand peintre, c’est évident. Mais on a parfois du mal à distinguer les Impressionnistes entre eux. On reconnaît en revanche Henri Martin ou Le Sidaner au premier coup d’œil.
Le cadre du Palais Lumière renforce l’approche intimiste des deux artistes. D’où l’impression troublante qu’il restera peut-être quelque chose de notre présence dans l’exposition après notre départ, comme si nous avions participé à la rencontre qui a donné « La table bleue ». Une suspension du temps éparpillé dans la lumière.