Authenticité et vérité
19 juillet 2024Dans Étymologies pour survivre au chaos Andrea Marcolongo distingue l’authenticité et la vérité. « Seul celui qui est…authentikos, qui est l’ « auteur » solitaire, « celui qui œuvre seul » sans subordonnés qui se permettent de penser que le roi est nu, a la pleine capacité de décider ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas. L’authenticité est une forme d’autorité, d’où l’expression « faire autorité »….la vérité est tout autre chose : elle présuppose la liberté, et non des intérêts en jeu. » ( Photos, » Les Troyennes » de Michel Vinaver, mise en scène de Pierre Dubey).
La confrontation au public
Tout le long du livre d’entretiens réalisé avec elle, Chantal Deruaz affirme que sa première qualité d’actrice et de femme fut l’authenticité. Ce qui, associé au texte d’Andrea Marcolongo, mérite réflexion. Tous les témoignages disent que Chantal, sur scène, était « vraie ». Yveline Hamon précise. « Dans le temps de répétition, elle ne délivre pas grand-chose. Quelques pistes, bien sûr, mais elle va au public. C’est la confrontation au public qui donne l’entièreté de son travail et de sa réflexion. » La vérité de son jeu créait la qualité de la relation avec le public, qui, en retour, confirmait cette vérité et lui donnait sa dimension d’authenticité. Celle-ci était scellée aussi par la conviction de Chantal que son point de vue était le bon : elle l’imposait même aux plus grands metteurs en scène.
Alors ?
Alors quelques images d’Hécube pas Hécube retransmises par la télévision m’ont interpellé quelque part, comme on disait naguère. Le propos de la pièce semblait mal cousu. À la vérité du jeu d’Elsa Lepoivre ne répondait pas vraiment celle de Denis Podalydès s’appuyant sur son expérience, sur son image davantage que s’investissant pleinement sur le plateau, dans l’échange. Mais qui est Talpa pour juger d’après quelques images des monuments du théâtre ? La critique de Fabienne Pascaud dans Télérama me rassure : « …affamé d’histoires qui évoquent nos chaos ambiants, le public fait un triomphe à ces spectacles dont les codes d’écriture se rapprochent avec habileté et émotion des meilleures séries télé…Théâtre dans le théâtre, effet miroir : Tiago Rodrigues superpose ici sans son habituelle fluidité le travail des acteurs et l’enquête sur les sévices. Reste qu’il a écrit sur mesure pour la troupe du Français, magnifique… » À lire entre les lignes.
L’authenticité et la vérité
La vérité peut parvenir à l’authenticité. L’inverse non. Qui douterait de la Comédie Française ? De son authenticité ? Mais il semble que la vérité fasse défaut dans Hécube pas Hécube. Le dire à voix haute ? Les enjeux sont trop importants. Souvenir du premier roman de David Foenkinos, succès de librairie et de critique. J’y avais vu un récit facile, pour adolescents, avec quelques pépites de pseudo sagesse philosophique. Espérons que David Foenkinos a progressé.. Le succès d’un Pascal Rambert soulève les mêmes questions. Pour répondre à Hécube pas Hécube par anticipation, Pierre Dubey avait monté au Mamco de Genève, en 2022, Les Troyennes de Michel Vinaver. Peu de moyens, un bricolage saisissant qui allait au fond du texte. Vrai et authentique.
Une question d’équilibre, comme toujours
L’expérience aide un acteur. À partir de quand devient-elle un poids ? La compréhension du texte sombre parfois dans l’intellectualisation, dans la démonstration : à partir de quand ? Hécube ou pas Hécube ?