L’eau et le vin

L’eau et le vin

28 juillet 2024 Non Par Paul Rassat

L’eau et le vin à table ?  Est-il gastronomique de boire de l’eau entre les vins et entre les repas ? C’est ce que se demande le Dr. Charles Guebel de l’ Académie des Gastronomes, Grand Chambellan de la Chaîne des Rôtisseurs, dans le numéro d’été de Bonne Table et Tourisme de 1954. Dans le numéro suivant de cette revue lui répond Albert Couvreur, de la même Académie.

Éléments de réponse

«  Oui, il faut mettre de l’eau à table ! mais nul n’est forcé de s’en servir…C’est une question de goût, de physiologie et de courtoisie. « Et Albert Couvreur d’énumérer les apports d’ordre biologique ou physiologique de l’eau pour le corps et la santé. Dans le numéro suivant, le même auteur poursuit : « — Oui, pour les convives qui ont une version absolue pour le vin (je n’ai jamais pu décider un des plus grands gourmands que je connaisse à prendre un atome de vin, et, pourtant, que ne le lui ai-je proposé !…)

— Oui, pour ceux chez qui le vin provoque des troubles, et auxquels nous devons l’interdire, ou encore pour qu’on en boive sur un dessert trop sucré…

Deuxième question 

— Doit-on boire de l’eau entre les vins ? Non, parce que les mets d’un repas normal contiennent suffisamment d’eau pour assurer la diurèse qui se réalise au cours de la digestion…et que l’excès de liquide au cours d’un repas est nuisible. À tous points de vue, mélanger dans le même verre le vin et l’eau constitue un non-sens et détruit deux bonnes choses.

Troisième question

— Doit-on boire de l’eau entre les repas ? Oui, et loin des repas. Non seulement pour calmer la soif, surtout au cours des saisons chaudes, mais après l’exercice, la marche, les efforts physiques sportifs ou professionnels…Et c’est ici que se justifierait, pour les travailleurs de force, le vin largement coupé d’eau, et non pas les litres de « pinard »qui les ruine, à tous points de vue.

Quatrième question

— Quelle eau ? Des puits, de source, du robinet…

Cinquième question

— Pourquoi ? Soyons francs : le vin, même quand il est lui-même  « nature » et bu aux repas, à la température voulue et sur les mets qui le font valoir, est une gourmandise, parfois sublime, mais dangereuse à divers degrés… Quelle que santé qu’ait un homme, s’il devait choisir, irrévocablement, entre boire seulement du vin ou seulement de l’eau, il devrait opter pour cette dernière. »

L’avis du Docteur H. Roumiguières

Tout d’abord, doit-on mettre de l’eau sur la table ?

Oui :1) pour les grands assoiffés surtout.

        2) après certains mets faisant avec les vins mauvais ménage.

        3) pour rincer la bouche…

        4) enfin plutôt de l’eau que de mauvais vins, ou mal adaptés au menu….

L’avis de M. Charles Pichon, de l’Académie

Tout gastronome est un dégustateur, qui doit chercher à dégager le goût profond d’un plat ou d’un vin…D’où l’intérêt de l’eau entre des vins ne se mariant pas entre eux. Passer d’un Pouilly à un Nuits, très bien. D’un Nuits à un Romanée-Conti, je demande de l’eau :un demi-verre, mais enfin de quoi me refaire les papilles. Quelle eau, direz-vous ? De l’eau de pluie si vous en avez. Naturellement vous n’en avez pas. Alors une Évian, par exemple, ou une alcaline très légère. Fraîche en tous les cas, jamais glacée.

Ronsard

La même revue, en 1956, cite Ronsard :

La terre les eaux va boivant,

L’arbre la boit par sa racine ;

La mer éparse boit le vent,

Et le soleil boit la marine.

Le soleil est bu par la lune, Tout boit, soit en haut soit en bas,

Suivant cette règle commune

Pourquoi donc ne boirions-nous pas ?