Donna Leon, les faits, la vérité et la littérature
26 avril 2021Entre les faits et la vérité
« — …les écrivains ne sont pas obligés de reconstituer les événements avec exactitude.
— Quel est leur but, d’après toi ?
— Oublier les faits et nous dire la vérité »…
C’est ce qu’écrit Donna Leon dans Quand un fils nous est donné. L’intrigue de ses polars est souvent distendue. Elle passe après la construction psychologique, le regard d’une étrangère sur Venise. Qu’on se souvienne des Lettres Persanes de Montesquieu. « Comment peut-on être persan ? » Comment peut-on être Vénitien, Italien, Français, Parisien ? Comment peut-on être ce que l’on est ?
Se découvrir
On n’écrit pas pour rapporter sa vie dans les livres, mais pour la découvrir.
Alan Benett La reine des lectrices
Au monde de la comptabilité, de la gestion qui nous oblige à regarder la réalité en face, les artistes préfèrent leur vérité. Dans La gratuité ne vaut plus rien Denis Guedj qui fut mathématicien repousse la pensée-gestion soumise aux faits et aux chiffres. Il lui préfère une pensée libérée de la dictature de « l’état des choses ». Une approche qui ne nie pas le réel mais l’anticipe et permet d’avoir prise sur lui, de l’orienter et d’y gagner une part de liberté. Alors que certains spéculent avec es devises, d’autres le font avec des idées.
Effet miroir. © Christophe Rassat
« Miroir, mon beau miroir… »
Il est amusant de constater que la spéculation et le miroir voisinent étymologiquement. Ce miroir qui nous dirait qui nous sommes et nous somme d’être. De Blanche Neige aux sondages de toutes sortes. Jusqu’au miroir dont Stendhal fait le ressort du roman.
Les faits disent-ils toute la vérité ?
Il paraît qu’ils sont têtus. « Les faits sont têtus » soutenait Lénine, qui devait l’être aussi. Drôle de transposition intellectuelle ! Les faits sont têtus comme un plat est gourmand alors que ce sont les gens qui sont têtus ou gourmands, en s’appuyant sur les faits qu’ils choisissent ou bien en savourant un plat. Les faits disent plutôt ce que l’on a envie de leur faire dire. D’où l’intérêt psychologique, sociologique des polars qui jouent avec les faits pour proposer une vérité mettant en place les pièces d’un puzzle. Quant à la vérité toute nue, elle a été condamnée pour attentat à la pudeur.