Gaby Monnet. Témoignages sur sa modernité
22 juillet 2021La photo est d’Henri Odesser. Discours de Gabriel Monnet lors de la kermesse Peuple et Culture aux Marquisats. Septembre 1947.
Lors d’une conversation informelle avec Françoise Ferri est évoqué l’hommage qui sera rendu à Gabriel Monnet les 9 et 10 septembre 2021 au château d’Annecy.
Hamlet par une nuit étoilée dans la cour du château
Le nom de Gabriel Monnet est venu incidemment dans la conversation. Vous avez réagi aussitôt.
Je n’avais que 15 ans à l’époque et j’avais été frappée par la beauté de cet homme. Il dirigeait son équipe avec une grande autorité et a éveillé chez mes sœurs et moi la passion du théâtre. Il montait Hamlet de main de maître. J’aimais ce monde onirique, la fiction, la mise en scène, la blague, tout ce monde qui nous permettait de rêver et qui m’est resté même adulte. Je me souviens, la nuit était étoilée. C’était au mois d’août dans la cour du château. On habitait à côté. On les voyait se grimer, le trac perçait. Certains en étaient malades.
L’approche très moderne de Gaby Monnet
Il s’agissait d’amateurs qui montaient sur scène.
Lui était passionné de littérature, ça se voyait. En plus de sa beauté, il avait une autorité naturelle et piquait de temps en temps de grandes colères. J’ai tellement aimé cela que j’ai développé l’émotion, le drame. Les très bonnes notes que j’en ai reçues pour le bac ont déterminé ma vie. De là mon départ en Italie, le goût pour le théâtre et cette mise en scène du quotidien dans ce pays. Je suis plus intéressée par le réel mis en scène. La séduction passe aussi par le verbe.
J’avais été frappée par ce que Gaby Monnet disait de l’instabilité d’Hamlet, de cet amour incestueux pour sa mère. La direction de Gaby Monnet n’était pas scolaire. Il laissait toute liberté à ses acteurs. C’était nouveau pour mes sœurs et moi. Une découverte différente de la lecture où tu es seule avec ton livre. Je me rends compte maintenant, avec le recul du temps, de cette liberté incroyable. C’était très moderne !
Annie Aguettaz, souvenirs de Bourges et d’Annecy
Très jeune lycéenne, j’adorais me glisser dans les coulisses du théâtre pour assister à des répétitions. C’était encore la Comédie de Bourges, au début des années 60. Ensuite Gabriel Monnet a créé la Maison de la Culture. J’ai accédé à ce monde parce que cela s’est passé d’abord dehors, dans un théâtre de verdure, un espace public. C’est là que mon intérêt est né. Je le dis parce qu’il est important d’attirer le jeune public avant de le faire entrer dans les lieux dédiés au théâtre, à la musique.
Peuple et Culture
Et l’aventure avec Peuple et Culture se poursuit à Annecy.
Je quitte Bourges après le Bac. J’arrive à la galerie Peuple et Culture, rue de La Paix et j’apprends qu’au-dessus, c’était l’appartement de Gaby Monnet. Il était déjà parti à Grenoble.
La culture pour tous
Ce que les gens transmettent, un esprit, une vision comptent autant qu’eux-mêmes.
On se forme, on cherche avec tout ce qui nous entoure, les rencontres. Nous en oublions une partie qui peut revenir au gré des événements. Cette expérience importante au départ m’a ensuite orientée vers les Universités d’été qui étaient d’un excellent niveau. On étudiait le cinéma avec Dominique Païni, la musique contemporaine avec Marc Vignal. J’ai repris des études universitaires en littérature, théâtre, cinéma et musique. Je recherchais quelque chose qui ne soit pas uniquement formel et universitaire mais fasse sens pour moi. Cette forme de cercle me rattachait à Gabriel Monnet. Chez Peuple et Culture j’aimais bien que la culture était pour tout le monde mais pour aller vers le haut. Ce que je retiens de cette époque, ce que m’en disent des gens d’autres générations que je rencontre, c’est notre liberté.
Éducation et théâtre par Gaby Monnet (extrait d’un ouvrage de l’éducation nationale)
« Ah ! Oui ! « éducation et théâtre » pour moi cela fait mauvais ménage. Le mot éducation dans son acception la plus admise, la plus courante, la formation d’un individu aux normes d’une société, aux connaissances, aux savoirs nécessaires du monde dans lequel il est, cela fait mauvais ménage avec une discipline qui est une perpétuelle remise en question de cela justement : d’abord du savoir, des conduites, des discours ; une discipline qui est une perpétuelle invention, exploration et en même temps déstabilisation. L’acteur c’est quelqu’un qui est entraîné à se déstabiliser, gentiment mais sérieusement. Antonin Artaud disait : « c’est un état d’ivresse doublé d’extra lucidité ». Mettre le mot éducation sur des gens à qui on va apprendre à être ivres?… Enfin, on leur apprend ou ils le savent, ils le découvrent tout seuls, si on le leur apprend c’est pour la beauté littéraire du texte plus que pour son contenu. »