Football féminin. David, Léonie Fleury et l’USAV
5 novembre 2021Le football et la vie
David, d’où vient votre passion pour le football ?
J’ai commencé à y jouer à 14 ans, très tard, en banlieue parisienne. Alors que j’avais 16 ans, ma famille s’est installée à Annecy. Ayant intégré le club d’Annecy-le-Vieux dès mon arrivée, je m’y suis tout de suite senti très à l’aise. Le foot me permettait de relier ma passion et les relations indispensables à cet âge. J’avais déjà des liens avec la région parce que j’avais appris à skier en colonie de vacances à la Sambuy à l’âge de 5 ou 6 ans. J’ai arrêté de jouer récemment : l’âge, le travail à côté, mais je continue de coacher en football féminin.
Quand les enfants contribuent à former les parents
Vous êtes passé de l’autre côté ?
En 92, je rencontre Céline, qui va devenir ma femme. Je pars au Liban pour mon service militaire. À mon retour, j’arrête le foot et Céline le hand. Nous voulons fonder une famille. Nous avons notre première enfant, Léonie. Elle se promenait toujours avec un ballon, tapait dedans. Une première tentative au club de Meythet ne lui a pas convenu. Elle voulait jouer avec des garçons. D’où l’inscription au club d’Annecy-le-Vieux.. Elle avait dix ans. C’est elle qui m’a ramené au foot, avec les seniors puis les vétérans. Léonie a joué avec des garçons jusqu’à l’âge de 14 ans. Toutes ses sélections départementales et régionales ont eu lieu pendant cette période.
Le parcours de Léonie Fleury
Léonie a été repérée par des grands clubs, Saint-Étienne notamment et l’Olympique Lyonnais. Elle a participé à la coupe nationale de moins de 15 ans avec la sélection Rhône-Alpes. Les résultats lui ont permis d’être sélectionnée dans le centre de l’équipe de France en région, à Vaulx-en-Velin. Elle a donc intégré le Pôle Espoirs Féminin pendant 3 ans et l’équipe féminine de Saint-Étienne où elle a joué 6 années. Elle entame sa 3° saison au Servette de Genève.
Vous êtes revenu au foot avec le regard fixé sur votre fille et donc sur le foot féminin.
Sur le foot féminin et le foot féminin de haut niveau. Il fallait aller à Saint-Étienne tous les weekends, à Vaulx-en-Velin tous les lundis soirs. Léonie avait 15 ans, elle était en internat.
De Léonie au développement du football féminin à l’USAV
Vous avez toujours maintenu un contact étroit.
Le lien familial est primordial pour un sportif de haut niveau. C’est comme ça que Laurent Bortoluzzi, alors président de l’USAV, m’a demandé de développer le football féminin. Une première tentative avait plus ou moins bien marché. Le projet n’était pas mûr, ni les mentalités. Il y a 4 ans, Laurent Bortoluzzi avec Didier Voiseux ont relancé l’idée et m’ont demandé de monter un projet viable. Une semaine plus tard, je présentais 3 projets, du plus simple au plus ambitieux. Nous avons été à la fois ambitieux et pragmatiques en choisissant le projet médian. Je ne souhaitais pas des équipes de filles parce que ça devenait tendance. Il fallait commencer dans les toutes petites catégories pour rejoindre progressivement les garçons au niveau régional. Les filles bénéficient aujourd’hui des mêmes moyens que les garçons. Il a fallu faire évoluer certaines mentalités pour y arriver.
Le coaching spécifique des filles
Il est important que les filles se sentent soutenues dans une démarche construite. Qu’on ait un objectif. Elles sont ainsi en confiance. Tout le monde adhère à la démarche, les filles, leurs familles. Elles font partie du paysage du club dans lequel elles amènent un rayon de soleil. Le foot féminin est une autre approche. On ne gueule pas après l’arbitre, on n’accroche pas : on joue au ballon. Les filles montrent davantage de respect que les garçons. Pour qu’une joueuse adhère, il faut donner du sens à ce qu’on lui demande de faire. Elle applique sur le terrain à la lettre ce que vous lui avez demandé. Un garçon, en revanche, est plus créateur. Les filles développent davantage un jeu d’équipe pour ces raisons.
Les bienfaits, au départ, de la mixité
Comme coach, je les engage à mettre de la vie dans leur jeu. Le foot féminin est appelé à évoluer. Les filles peuvent jouer avec des garçons jusqu’à l’âge de 15 ans. Elles y observent leur créativité, l’agressivité positive. Qualités qu’elles apportent ensuite dans une équipe féminine. Un équilibre naît du jeu d’équipe et de la créativité. Toutes les joueuses de l’équipe de France ont joué avec des garçons. À côté de cette pratique de haut niveau, il y en a une plus basique, plus scolaire. Ce sont deux approches différentes, toutes les deux légitimes.
Les conformations intellectuelles et émotionnelles sont différentes ?
Vous ne pouvez pas parler à une fille comme à un garçon. Une fille est plus susceptible, elle a besoin d’être réconfortée, encouragée. En revanche, il faut leur dire les choses. Leur expliquer et être juste. Mon côté « papa » développé avec Léonie m’y aide.
Vivre de son sport ?
Certaines joueuses, comme Megan Rapinoe, revendiquent les mêmes rémunérations que les hommes. Vous avez une opinion à ce sujet ?
Il n’est pas normal qu’une sportive de haut niveau, avec les mêmes exigences et contraintes d’entraînement, de vie que les garçons ne puisse pas vivre de sa pratique sportive. La plupart sont obligées de travailler à côté.
Le succès médiatique fait la différence.
Oui, et le foot féminin est en train de percer sur les écrans. Il y a aussi de plus en plus de monde dans les stades. Le déclic date de la coupe du monde en France, en 2019. C’est tout récent. Le stade de Lyon était rempli à 100% pour les deux demi-finales et pour la finale. En avouant que le prix des places est bien plus accessible.
Le football féminin est en pleine évolution
Les joueurs de haut niveau parlent de reconversion après la carrière sportive. La situation est différente pour les filles.
Elles doivent mener de front leur formation sportive et leurs études. C’est impératif. Ensuite elles travaillent en menant leur carrière sportive.
Le projet que vous aviez lancé atteint ses objectifs. La Covid a fait partir des joueuses mais d’autres sont arrivées. Vous êtes entouré d’une équipe motivée, dont fait partie Manu Jung depuis le tout début. Que reste-t-il à développer ?
On a développé, il faut stabiliser et pérenniser. Le meilleur curseur pour vérifier le niveau de satisfaction, ce sont les enfants.
Sur le terrain
[Dimanche 31 octobre, l’équipe féminine de l’USAV a été battue en Coupe de France par une équipe mieux classée qu’elle. On comprend mieux le football féminin quand on ne le compare pas aux prestations masculines. Si le spectacle est différent, l’engagement, l’intensité et les émotions valent par eux-mêmes. Et puis on comprend que pratiquer un sport, enfant, femme, homme est d’abord le moyen de donner le meilleur de soi.]
L’quipe qui partage cette aventure
U9F David Fleury et Céline Fleury // U11F Alin Hano et Vanessa Deshaies // U15F Christel Javori et David Fleury // U18F Youssef Soussani et Virginie Menini // Séniors F 2 Julien Lantran et Seb De Marchi // Séniors F 1 Manu Jung et Ali Benzekri // Responsable pôle féminin USAV David Fleury