Compagnons, un film de François Favrat
23 février 2022Le partage
Étymologiquement les compagnons partagent le pain. Ils se font donc confiance. Même si trois mouvements de compagnonnage existent, ils partagent le même esprit. Les Compagnons du devoir ont été les premiers à recevoir des femmes. La Fédération et l’Union suivent. Le film de François Favrat montre d’ailleurs qu’il reste du chemin à parcourir sur ce terrain. Voir Compagnons fait du bien au moral en cette période de déclinisme annoncé, de repli sur soi proclamé. La tradition y est mise en avant. Elle peut paraître désuète si l’on oublie le sens premier de la tradition qui est la transmission. Le sens s’en est figé depuis. Chez les Compagnons, on reçoit pour donner ensuite ce qu’on a reçu. La tradition est vivante parce qu’elle prend la forme de la transmission.
Liberté Égalité Fraternité
Les Compagnons donnent à chacun la liberté de s’accomplir. Tous sont égaux dans la relation aux valeurs et au règlement qui en découle. Il est d’ailleurs précisé que la règle est le fruit de l’expérience. La fraternité s’exprime par l’entraide. Simple. Efficace. Roboratif.
L’intelligence des mains
« Les mains aussi, elles peuvent être intelligentes », déclare Hélène / Agnès Jaoui. L’intelligence ne consiste pas forcément à réussir des études scolaires. Intelligemment donc, le film montre l’activité de vitrailliste. Une sorte de métaphore illustrant le processus que vit Naëlle, la jeune héroïne. La matière brute laisse passer la lumière de l’art, de l’esprit. Il y faut l’esprit du compagnonnage quand on vient d’un milieu difficile et que l’on ne croit pas en ses possibilités.
Prendre confiance en apprenant
« À force qu’on croie pas en nous, on risque pas d’y arriver. » « Vous me voyez dans votre truc d’excellence ? » « Il faut être débile pour faire confiance à quelqu’un comme moi. » Douée d’un vrai talent, Naëlle ne croit pourtant pas en elle. Souvent dans le système scolaire, ce sont celles et ceux qui ne croient pas en leurs chances de réussite qui perturbent les cours et se sabordent. Un jeune homme des Compagnons du Devoir de Villaz soulignait après la projection au Pathé d’Annecy que tout le monde n’a pas un talent marqué. Certains arrivent même chez les Compagnons pour y découvrir leur voie. Et puis, le film est romancé. C’est vrai, mais cette notion d’accompagnement qui permet à chacun de se révéler est fondamentale.
Un film juste
Najaa, Agnès, Pio et les autres acteurs sont justes. Ils ne jouent pas. À l’école, en revanche, on joue. En société, souvent, on joue à être quelqu’un. Les Compagnons apprennent un savoir faire et un savoir être. Être soi, pleinement. Laisser passer la lumière.