Guillermo del Toro et Pinocchio
16 juin 2022« Il était une fois… – Un roi ! – vont dire mes petits lecteurs. Eh bien non, les enfants, vous vous trompez. Il était une fois… un morceau de bois. Ce n’était pas du bois précieux, mais une simple bûche, de celles qu’en hiver on jette dans les poêles et dans les cheminées. » Voici les premières lignes du texte de Carlo Collodi. Un conte est une machine à recycler, à récupérer et à transformer. Guillermo del Toro s’attaque à Pinocchio ! Le film devrait sortir en décembre 2022.
Pinocchio
Analysé par Alberto Manguel dans Pinocchio et Robinson, ce conte prend une autre dimension « parce que ce sont des aventures d’apprentissage. La saga du pantin est celle de l’éducation d’un citoyen, cet ancien paradoxe d’un personnage qui souhaite entrer dans la société humaine commune tout en s’efforçant de découvrir qui il est réellement, non tel qu’il apparaît au regard des autres mais en lui-même…. »
Cependant Pinocchio ne devient pas un citoyen véritable car le processus d’apprentissage passe par la maîtrise de la lecture qu’il ne peut conduire à son plein accomplissement. Le personnage apprend à reconnaître les lettres, à les déchiffrer, à les lire sans en comprendre vraiment le sens.
Mais qu’est-ce que cela signifie, « apprendre à lire » ? Plusieurs choses.
_ D’abord, le processus mécanique d’apprentissage du code de l’écriture dans laquelle est enregistrée la mémoire d’une société.
_ Ensuite, l’apprentissage de la syntaxe qui régit un tel code.
_ Troisièmement, l’apprentissage de la façon dont les inscriptions faites selon ce code peut, de façon profonde, imaginative et pratique, servir à la connaissance de nous-mêmes et du monde qui nous entoure. (Nous revenons ici à la notion étymologique de l’intelligence). Ce troisième apprentissage est le plus difficile, le plus dangereux et le plus puissant – et celui que Pinocchio n’atteindra jamais…. »
Et Alberto Manguel de rappeler que la lecture était interdite aux esclaves afin de ne pas susciter chez eux un éveil de l’esprit qui les aurait conduits à revendiquer la liberté. Avec son texte De l’horrible danger de la lecture, Voltaire dénonce le même étouffement des esprits.
Guillermo del Toro et notre époque
Guillermo del Toro travaille à un nouveau Pinocchio. Le réalisateur cite Jorge Luis Borges parmi ses influences les plus marquées. Ce qui nous renvoie à Alberto Manguel, qui fut le secrétaire de Borges. Guillermo éprouve une fascination pour les insectes et les monstres. Ce que nous sommes peut-être tous dans la mesure où nous avons de plus en plus de mal à déchiffrer le monde que nous massacrons. Bonjour, Pinocchio !
PS
Talpa aurait eu plaisir à rencontrer Guillermo (photo prise à la volée sur le trottoir) au Festival d’Annecy. Mais entre maquillages, séances de photographies et autres…notre homme n’avait pas le temps. Pas grave, Talpa continue de creuser.