« À l’abade  Promenades dans les Alpes »

« À l’abade Promenades dans les Alpes »

6 août 2021 Non Par Paul Rassat

Édité chez Livres du Monde, ce livre de Lionel Seppoloni nous emmène en une trentaine de promenades aussi bien en poésie que dans les Alpes. Il relie la musique intime de l’auteur à celle de la nature.

La marche et le souvenir de la marche

« On se perd, on se trouve, on s’oublie dans la marche. » Et quand le corps ne peut pas ou plus, la tête voyage de carnet en carnet, de note en note, de souvenir en souvenir. On repart «  à l’abade ». Le processus est le même que pour cet ami photographe qui conserve ses prises de vue  et les retravaille bien plus tard dans le but de retrouver l’émotion vécue sur l’instant. Celle-ci s’en trouve enrichie.

Tchouang-tseu, promenade en philosophie

Abader, nous apprend le dictionnaire, c’est » prendre son essor, sa course, courir les champs, s’affranchir de toute entrave et de toute gêne « . C’est aussi  » donner le large au bétail, l’envoyer paître « . Lionel Seppoloni, lui, envoie paître le poids du quotidien et s’élève vers Tchouang-tseu qu’il emporte en promenade. Jean-François Billeter écrit dans Leçons sur Tchouang-tseu « Je pense que c’est ce moment de l’expérience que Tchouang-tseu désigne par le verbe yeau…On le traduit généralement par «  se promener », « se balader », « évoluer librement », mais il a  aussi le sens de « nager », par quoi il faut entendre l’art de se laisser porter par les courants et les tourbillons de l’eau et d’être assez à l’aise dans cet élément pour percevoir en même temps tout ce qui s’y passe. Dans le Tchouang-tseu, yeau est intimement lié à une appréhension visionnaire de l’activité. »

« Être le monde »

Sentiment océanique ? État de pleine conscience ? Lionel Seppoloni écrit « Je suis un arbre plein d’oiseaux ». Il se fond , devient nature, « voyant sans regarder » comme ce personnage de Giono qui devient rivière. Cette faculté qui libère du temps commun lui permet de percevoir en un même paysage la vie de toutes les saisons, de chercher les liens qui unissent la buse, les falaises, l’arbre. « Marcher allège des tracas d’en bas. »

Tout est mouvement

« Même  en ce jour de plein été la montagne n’est pas calme. Elle gronde sourdement sans qu’aucun orage n’obscurcisse l’horizon. Elle se tasse, elle s’élève, elle fourmille, ses derniers névés fondent, ses rocs se fendent, ses plantes, ses bêtes et ses passants l’agitent insidieusement comme les rêves agitent le rêveur. » Tout est mouvement et musique où se fondent rudesse et douceur. Mouvement intime et extérieur. L’écriture, comme le rêve et l’émotion, naît de cette rencontre.

«  Toute ma vie a filé dans le cours du torrent pendant que je dormais, mais j’ai aimé ce rêve aux parfums d’orchis vanillé au moins autant que le temps éveillé… »