Adaptation

Adaptation

7 avril 2024 0 Par Paul Rassat

Le 5 avril se tenaient les rencontres de Sevrier BD. Le thème de l’adaptation y a été évoqué avec les auteurs invités. Adaptation, variations, trahison.. ?

Revenir aux sources

Revenons aux sources pour traiter de la question. Voici un extrait de texte écrit par Michel Vinaver, Paradoxe de l’adaptation : « Dans un texte intitulé «  Pierre Ménard, auteur du Quichotte », Jorge-Luis Borges explore, avec une audace sans précédent, le paradoxe de l’adaptation :

 «  Il ne voulait pas composer un autre Quichotte-ce qui est facile-mais le Quichotte…Son admirable ambition était de reproduire quelques pages qui coïncideraient-mot à mot et ligne à ligne-avec celles de Miguel de Cervantès… » Le paradoxe de l’adaptation n’est qu’un aspect du paradoxe plus général de notre consommation des œuvres du passé…Ainsi écoutons-nous la musique de Bach, ainsi lisons-nous Cervantès ou Shakespeare : nous actualisons les œuvres du passé, nous les approprions à notre présent ; ce faisant nous abolissons partiellement leurs intentions originelles et nous leur substituons les nôtres. Continuellement, nous « adaptons ». »

Les Indes Fourbes

Le livre d’Alain Ayroles et Juanjo Guarnido Les Indes Fourbes commence par ces lignes : « J’ai ouï dire que cette créature qu’on appelle la Fortune est une femme capricieuse, fantasque, toujours ivre, et aveugle par-dessus le marché. Aussi ne voit-elle pas ce qu’elle fait et ne sait-elle pas ni qui elle abat, ni qui elle élève. » Pierre Ménard-L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, seconde partie-chapitre LXVI » Ayroles  joue le jeu de Borges jusqu’au bout : il attribue à Pierre Ménard ( de qui, bien sûr, nous n’avons aucun texte) ce passage écrit par Cervantès.

Évolution / adaptation

Darwin aurait pu nommer « Théorie de l’adaptation » celle de l’évolution. Se pose même la question : « Qu’adaptons-nous en faisant œuvre originale ? » Il était intéressant de voir aborder à Annecy cette question de l’adaptation. Alain Ayroles et Juanjo Guarnido y sont les invités d’ honneur de Sevrier BD. Michel Vinaver a été le directeur de Gilette / Annecy et l’un des plus importants écrivains contemporains de théâtre. Reste, pour le plaisir, à citer les œuvres de Jean-Baptiste Botul, pures inventions d’une bande d’amis. Bernard-Henri Lévy fut pourtant pris à ce piège.

Glissement

D’après le dictionnaire, l’adaptation est une forme d’ajustement, au sens propre et figuré. Il y faut de la souplesse. Revenons aux Indes Fourbes. L’adjectif traduit une duplicité mais il est aussi employé dans un glissement de sens, une métonymie. Les Indes sont Fourbes comme un plat est gourmand : on leur attribue des caractéristiques humaines, on les adapte. Les Indes sont d’autant plus fourbes que ce sont les Amériques et que l’on croit voir passer, dans le livre, le fameux œuf de Christophe Colomb.

Faut-il adapter l’évolution ou bien s’adapter pour évoluer ?  S’adapter en évoluant, évoluer en s’adaptant ?