Agenda et to do list
23 février 2023À l’époque de la guerre du Golfe, l’Europe était déjà considérée comme le Vieux Monde. L’Europe vieillit, ses langues aussi. Le français n’a plus la cote. L’anglicisation galopante le submerge, elle-même dépassée par le globisch. « Globisch, ô ma biche » chantait déjà Franck Alamo en 1963 ! Dernièrement, sur les zondes, une invitée de marque parlait de sa to do list. La langue française dispose pourtant du mot agenda. ( Photo : parmi les choses à faire, déplacer des montagnes.)
L’agenda, c’est quoi ?
« Petit carnet, réservant chaque page à un ou plusieurs jours de l’année dans l’ordre du calendrier pour inscrire ce que l’on a à faire ou ce qu’on a fait, et qui comprend éventuellement un répertoire d’adresses et divers renseignements pratiques. » Voici ce que le TLFi dit de l’agenda. Le mot vient du latin agere, agir, et signifie littéralement « les choses à faire. » Les Romains avaient inventé la to do list !
Tant qu’il y a des choses à faire…
Tant que nous avons la perspective d’une to do list ou d’un agenda, nous sommes en vie et envie. Nous attendons une élection, la feuille d’impôts, les vacances, les prochains JO. Il faut partir en vacances ! La prochaine série nous maintient en vie. De saison en saison. Et la téléréalité devient la traduction la plus pauvre de cette attente qui nous maintient en vie.
On attend quoi ?
Rien. Rien sinon la suite. Et derrière ça, vous prendrez quoi ? La suite, bien sûr ! Ah, cette mode du quoi ? On disait autrefois « Les corbeaux dans les bois font Quoi. S’il en reste un, c’est toi ! » C’était une façon de rappeler que l’usage de ce Quoi passait pour trop familière. Dans L’obsolescence de l’homme (1956) Günther Anders analyse En attendant Godot. La vie d’Estragon et Vladimir n’a pas de sens sinon d’attendre. C’est même cette attente qui les maintient en vie. Tragique ? Pas forcément car le ton de la pièce est à l’humour.
Le ton de l’humanité
Günther Anders écrit : « Ce n’est pas un hasard si aucun personnage de notre siècle n’a suscité autant de sympathie que le misérable personnage de Chaplin à ses débuts. La farce semble être devenue le dernier refuge de l’amour de l’homme, la dernière consolation de ceux que leur tristesse rend complices. Elle est tout ce qui pousse sur les terres désespérément arides de l’absurdité : le simple ton de l’humanité n’est qu’une maigre consolation ; cette consolation ne sait ni pourquoi elle console ni quel Godot elle fait espérer – elle prouve seulement que le réconfort des hommes est plus important que la signification de leurs actes… » Peut-être avons-nous encore plus besoin de voir la pièce de Beckett alors que nos « dirigeants » parlent uniquement pédagogie, chiffres, réforme, effort.
To do list
Puisque d’humour il est question. Abordons la to do Liz. Le niveau zéro de l’anglais a été un temps « My tylor is rich. » Liz Taylor eut toute une liste de maris. Sept, exactement. Dont un, Richard Burton, qu’elle épousa deux fois. Sans doute avait-elle mal tenu sa to do list, Liz. Sans compter la liste de ses amants. Ne confondons pas ce qu’il y a à faire avec ce qu’il y a à aimer. Mais, si les deux se confondent, serait-ce le bonheur ?