L’ultrasolution

L’ultrasolution

22 février 2023 Non Par Paul Rassat

L’ultrasolution consiste à aller toujours dans la même direction en pensant qu’on ne va jamais assez loin, même à se perdre, alors qu’il suffirait de changer de chemin.

La même petite musique

Un pianiste donne un concert. Il joue sur un piano dont le clavier est réduit à quelques touches vieillies, certaines bloquées. Se rendant compte tardivement de la situation, l’équipe de la salle lui propose un superbe piano à queue. Il le refuse parce qu’il est habitué à cet instrument. Dans la salle le public entend mal, se plaint. Seuls les premiers rangs profitent du concert. Ils comptent d’ailleurs de nombreux invités. Le concert continue…

Pendant ce temps, ceux qui dirigent notre musique sociale, politique, économique déclarent «  Nous réformons, nous bougeons les lignes, nous changeons les codes, nous changeons de paradigme. » Ah, cette antienne !

Ultrasolution, évidence et ligne droite qui tourne en rond

Inspiré du livre de Paul Watzlawick Comment réussir à échouer.

L’ultrasolution est le plus souvent la pire des solutions possibles, celle dont l’évidence s’impose pourtant, empêchant ainsi toute vraie réflexion.

   La solution adoptée ne s’est pas montrée efficace ? C’est qu’elle n’était pas suffisamment dosée. Il faut donc aller plus loin dans la direction qui, à l’évidence, s’impose.

— C’est la crise ; pour en sortir, il faut travailler plus, économiser plus, dépenser plus.

— Le malade n’est pas encore guéri ? C’est qu’on ne l’a pas assez saigné. Il est mort ? C’est qu’on n’a pas eu le temps de le saigner suffisamment.

— Le coût du travail est élevé ? Proposons des heures supplémentaires, défiscalisons-les.

À l’école

— Cet élève a des difficultés ? Faisons-le redoubler. Avec un peu de chance, il aura les mêmes professeurs, bénéficiera des mêmes méthodes, ne comprendra pas mieux mais apprendra comme un perroquet à force de répétitions et d’exercices d’application. Il finira par devenir un bon exécutant ou sera éjecté d’un système qui aura pourtant tout « mis en œuvre » pour l’aider. Il aura au moins appris à travailler !

En politique

— Le Président n’a pas réussi, en cinq ans, à sortir le pays de la crise. C’est qu’on ne lui a pas laissé le temps d’agir efficacement. Un deuxième quinquennat était indispensable.

— Mettre en question le libéralisme ? Vous ne souhaiteriez quand même pas le retour au communisme ? Le libéralisme a fait ses preuves. Il y a moins de pauvres, le niveau de vie moyen augmente (Non, ce n’est pas l’explosion des revenus des riches qui fausse la moyenne,  non ; une moyenne, c’est une moyenne ; c’est mathématique, donc indiscutable). Il faudrait davantage de libéralisme.

Continuons la même musique

Notre politique ressemble au matraquage sur les zondes. On y passe en boucle les airs à succès. La pub sature les écrans. Nos élus chantent la même partition. Ils s’accusent mutuellement de chanter faux et chacun élève la voix pour couvrir celle de l’autre.

Le talent et le génie

Emprunté au livre de Kenneth White L’esprit nomade, «  La meilleure définition du génie est celle de Schopenhauer, qui le distingue du talent en disant que, si le talent touche un but que les autres voient, le génie vise un but que les autres ne voient pas encore. » Ainsi, certains de nos gouvernants dépourvus de génie ont le talent de nous faire croire qu’ils en auraient. Ils gèrent le passé en nous faisant croire qu’ils travaillent au futur. On notera enfin qu’Emmanuel Macron, à Rungis, rappelle la nécessité de réformer le système des retraite si nous voulons garder un fonctionnement par répartition. Si l’on devait passer à la capitalisation, il n’en serait donc pas responsable. Il nous aura suffisamment prévenus ! Ah, cette petite musique des retraites chantée sur quelques notes reprises à l’infini !

Contre-exemple

Keith Jarrett a donné son fameux concert de Cologne sur un piano déglingué. Mais il est un génie. Lui.