« Ama, le souffle des femmes » sacré Pépite à Montreuil
7 décembre 2020Ama le souffle des femmes nous a intéressé au point de vous fournir un compte-rendu de lecture et une rencontre avec la dessinatrice. Le scénario est de Franck Manguin, les dessins et la couleur de Cécile Becq, l’ensemble ne manque pas de souffle et nous invite à une plongée multiple. L’album vient d’être nommé Pépite BD 2020 au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil.
Plongée intime et universelle
Une plongée dans ces sociétés matriarcales japonaises dirigées par les amas, ces plongeuses qui vivent de leur pêche aux coquillages et proclament leur indépendance. Une plongée dans la tradition, dans un exotisme que les dessins et la couleur de l’album savent nous rendre très proches, presque intimes.
Une plongée en nous.
Les thèmes abordés sous l’angle très particulier de ces femmes japonaises relèvent de l’universel. Le conflit entre la tradition et la modernité, la ville et la campagne, l’écologie, le réchauffement climatique, l’adaptation aux injonctions de l’économie, le poids du passé. Nombre de lecteurs sont concernés par ces questions.
Partir du plus intime pour atteindre à l’universel ! Et quoi de plus intime que la métaphore de la plongée qui peut se lire dans cette histoire à plusieurs niveaux ?
Plonger en soi pour se découvrir
Il est possible de plonger parce que c’est la tradition, parce que c’est comme ça ; ou bien de plonger en soi pour se découvrir et décider de sa vie. L’héroïne, Nagisa, évoque irrésistiblement Jonathan Livingston le goéland de Richard Bach. Cet oiseau apprend peu à peu à ne plus voler comme tous les autres, simplement pour se nourrir. Il explore toutes les acrobaties du vol et de la vie pour inventer son propre chemin. À examiner la couverture de l’album, Nagisa bien qu’attachée semble plonger ou s’envoler… Comme Jonathan, vers la liberté.
Alors que de nombreux ouvrages de développement personnel nous enjoignent pesamment d’être nous-mêmes, cet album nous y invite avec grâce et légèreté.
Conversation avec Cécile Becq
Vous n’accentuez pas les traits asiatiques des personnages, la portée de l’histoire est universelle, métaphorique. C’est un récit initiatique dans lequel beaucoup de lecteurs peuvent se reconnaître.
C’est une immersion dans la vie de l’héroïne pour faire émerger ce qu’elle a envie de devenir en tant que femme. Une immersion dans un lieu qu’elle découvre entièrement. Elle est citadine et débarque sur une île rustique.
Votre façon d’utiliser le bleu peut rappeler les photos sépia d’autrefois, un travail de mémoire…
Je voulais travailler sur la lumière, apporter de la douceur. La lumière de bord de l’eau est très particulière, toute dans les reflets. Le bleu contribue aussi à une touche de mélancolie. Ce sont les années 60 que je souhaitais évoquer avec cette douceur nostalgique pour tempérer certaines duretés du récit.
La couverture de l’album est à la fois évidente et complexe. À la chevelure de la jeune femme, on voit qu’elle plonge mais son corps semble remonter, danser.
Mon intention était de montrer la beauté des gestes, cette danse aquatique très lente, très fluide en immersion. Une grâce infinie se dégage de tous les mouvements en plongée. Je voulais aussi souligner une attitude de battante alerte, à l’affût de quelque chose. Tous les sens sont aiguisés pour rappeler la difficulté du métier.
Le souffle des femmes, nous plonge dans des micro-sociétés matriarcales, alors qu’on évoque beaucoup la condition féminine en ce moment.
Le souffle, c’est à la fois la respiration, la force de vie, le courage, la lumière. Cette BD est un hommage à toutes les femmes et à de nombreuses facettes de leur condition.
En bref
Ama Le souffle des femmes appartient à cette catégorie de bons livres qui s’adressent à des lecteurs et lectrices d’âges divers, même s’il a été primé au Salon du livre jeunesse de Montreuil. Plongeons avec Ama.