Charlotte Debraine Molina et Fondation Salomon

Charlotte Debraine Molina et Fondation Salomon

19 juin 2021 Non Par Paul Rassat

Un profil hors étiquettes

Rencontre avec Charlotte à la Fondation Salomon

J’étais douée pour les matières scientifiques mais j’ai été influencée par un professeur d’Histoire / Géographie. C’était au collège. Chacun de ses cours comportait un point d’histoire de l’art. Il le proposait de son propre chef. J’ai bénéficié de ses cours jusqu’en terminale. Ceci m’a posé un problème parce que j’avais un profil de scientifique mais je me sentais littéraire. Échappant à un étiquetage précis en matière d’orientation, je me suis retrouvée à étudier le russe en faculté. Originaire du Pays de Gex, je rêvais de voir cette FIAC. Lycéenne, j’étais abonnée à toutes les revues d’art.

La soif d’apprendre, de découvrir

J’ai vite arrêté l’Université dont la démarche ne me convenait pas. J’avais besoin de davantage de nourriture intellectuelle. C’est ce qui m’a menée vers l’ ICART une école de médiation culturelle et de marché de l’art. Je dois préciser que j’ai toujours aimé le côté brocanteuse, camionnette et déballage. J’avais cherché des formations pour le marché de l’art, Sotheby’s, Christie’s mais on m’avait toujours répondu, dans le milieu de l’orientation, que rien n’existait. Contrairement à la Fac qui aborde les thèmes par années d’études et qui fait ingurgiter des antiquités pendant toute la première année, à l’ICART on étudiait en même temps l’antiquité, le moderne, le contemporain, la photographie, le cinéma… Il s’agissait d’acquérir une culture générale artistique sous tous les aspects : la technique, le marché, tout ce qui fait le métier qui touche à l’art et à la culture.

Un parcours  en évolution

Je suis entrée à l’ICART en pensant devenir antiquaire, j’en suis sortie en travaillant dans l’art contemporain. Pendant que je suivais un Bachelor à l’ICART, je faisais un MBA à ASSAS, en droit et technique d’expertise de l’œuvre d’art. Lors de mes stages, j’avais été confrontée à des histoires de faux, d’héritage. Ce volet lié au droit me passionne. On entre ainsi dans la dimension législative de l’art et de la culture. La partie technique nous apprend, elle, à jeter le bon regard sur un meuble, par exemple. À voir s’il a été ou non rafistolé, s’il y a eu des ajouts, l’utilisation d’un scanner…

Polyvalence bienvenue à la Fondation Salomon

C’est une formation à une diversité d’approches. Ce qui nous mène au travail dans le cadre de la Fondation Salomon.

Dans une Fondation d’utilité publique, il faut connaître le fonctionnement des statuts, du Conseil d’Administration. Je dois maîtriser les aspects administratifs et bancaires, ce qui concerne les assurances en plus de la dimension artistique. J’ai réussi à réunir dans une fonction tout ce que j’ai appris auparavant en sept ans. J’avais cherché cette pluridisciplinarité pour être un couteau suisse de la culture et espérer en vivre. Ce qui m’a permis d’échapper à la misogynie assez prononcée qui sévit dans la vente d’art où je n’avais pas de relations qui m’auraient permis d’échapper à un rôle subalterne.

Rencontres

La médiation m’a conduite au Château de Voltaire, mais c’est Philippe Piguet qui m’a menée à la Fondation Salomon. Il avait été mon professeur à l’ICART. Souvent la notion de réseau revêt une connotation péjorative. Ce n’est pas toujours le cas et certaines rencontres permettent d’avancer parce qu’elles tissent des liens sur un temps assez long qui permet d’apprécier les compétences d’une personne.

Esprit d’équipe

La Fondation Salomon est mon premier poste à responsabilité. J’y suis arrivée à 27 ans. Tout le monde connaît Jean-Marc Salomon dans le milieu de l’art contemporain. Je ne voulais pas décevoir et finalement ça se passe très bien avec mon binôme Xavier Chevalier.

Le travail est rôdé maintenant, mais il est renouvelé par les expositions, par les rencontres ?

En trois ans j’ai dépassé le stade de l’adaptation. Nous avons développé le numérique, les réseaux. La Fabric est appelée à évoluer, des projets se développent ou sont en vue, en partie hors les murs. En plus de notre lieu d’exposition, il y a l’Abbaye qui appartient à la ville d’Annecy. Nous avons en charge son animation artistique. Il faut ajouter les interventions au sein des établissements scolaires, d’autres institutions culturelles. D’autres villes font parfois appel à nous pour de la direction artistique, des prêts d’œuvres. L’édition fait partie de nos activités. Tout ceci avec une équipe de trois personnes. On ne s’ennuie pas !

Perspectives

Comme la maison familiale de Jean-Marc Salomon a été entièrement récupérée, des travaux sont en route ainsi que des réflexions. Nous pensons à des résidences d’artistes, à un atelier, à agrandir nos bureaux, à rétablir la bibliothèque de consultation qui comporte à peu près deux mille ouvrages. Nous lançons les Art Talk avec Philippe Piguet. Tout a été fait pendant le confinement et les restrictions pour maintenir le lien avec le réseau d’amateurs d’art et les artistes que la Fondation a créé. Dans la même optique, nous avons décidé de prolonger l’exposition Jean-Luc Verna jusqu’au 18 septembre. Il a été exposé au MOMA et nous prolongeons sa visibilité sur Annecy.

Médiation, transmission

L’art pour tous

Le rôle de la Fondation est d’apporter un autre regard à une ville qui parfois s’embourgeoise. Avec le volet pédagogique en plus.

Personnellement j’ai trouvé à Annecy une qualité de vie qui me permet de garder ma curiosité artistique. La Fondation est obligatoirement en lien avec Paris, Lyon, Bordeaux, Berlin, New York, Madrid… Il se passe d’ailleurs pas mal de choses ici. Il faut être curieux, s’y intéresser, s’organiser en conséquence. Si l’on propose une exposition au Palais de Tokyo, on sait que le public viendra. Ici, il y a un travail de terrain à accomplir, des relations à mettre en place avec le public. Certains relèvent une dimension presque familiale. Elle vient sans doute du fait que notre équipe est réduite mais aussi dépourvue de tout le  snobisme que j’ai pu voir et subir ailleurs. L’appareillage critique comporte des mots très compliqués pour faire croire qu’il faut avoir suivi de longues études pour comprendre.

Pour nous, l’art ne doit pas être élitiste. Une création parle avant tout à un être humain et non à son compte en banque. Les retours que nous font des lycéens, des étudiants nous confortent dans cette approche de l’art.