Cinéma et réel, quelles relations ?
4 octobre 2021Quand le cinéma déroule son film, quel rapport entretient-il avec le réel? (L’image est tirée du film Piccolo corpo)
La réalité ?
Comme la notion de nature, celle de réalité est multiple. La nature, modelée par les Hommes, n’est probablement plus naturelle. Qu’est-ce que la réalité sinon ce que chacun d’entre nous perçoit et comprend de ce qui l’environne et à quoi il est intimement, subjectivement lié ? Cette notion se construit et se déconstruit (L’expression est à la mode) en permanence. Dans ce jeu incessant l’art est une force de destruction et de proposition. Il permet de lutter contre les évidences trompeuses et de construire d’autres voies. En la matière, le cinéma est d’autant plus intéressant qu’il se nourrit d’images, les retravaille pour proposer des créations originales dans un monde où l’image est de plus en plus formatée, réduite à l’état d’outil au service de la publicité, de la propagande, du divertissement qui crée un temps de cerveau libre pour Coca-Cola.
L’exemple italien en matière de cinéma
L’approche qui suit est partielle mais significative. Elle part de trois films vus pendant le 39° Festival du Cinéma Italien d’Annecy. ARIAFERMA, de Leonardo di Costanzo. Californie d’Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman. Piccolo corpo, premier long métrage de Laura Samani. Leonardo vient du documentaire, ainsi qu’Alessandro et Casey. ARIAFERMA est , en concentré, une métaphore de la vie en général, des rôles qui nous définissent et que nous devons dépasser afin de retrouver notre humanité. Californie est un film initiatique qui traite de la question fondamentale « Connais-toi toi-même ». On peut y voir le déracinement général que nous vivons toutes et tous, qui fait place vide pour les « profils » à créer sur les réseaux sociaux. Picolo corpo est une fable, un mythe intemporel qui touche aux nécessités fondamentales de la vie. Le religieux, ou à tout le moins le spirituel, fait partie de ces nécessités fondamentales.
L’ambiguïté créatrice
Le mot « ambiguïté » vient du latin « ambo » signifiant « tous les deux ensemble ». Un peu de ce fameux « en même temps » mais par pour enfumer, plutôt comme signe de la complexité de la vie et de la réalité. Là où le monde des affaires et de la politique réduit le réel à coups de chiffres, de statistiques et d’algorithmes, l’art amplifie et approfondit sa lecture. ARIAFERMA fait tomber les uniformes et les masques pour retrouver l’humain. Californie cherche un chemin qui mène à une identité véritable. Piccolo corpo établit un chemin entre la vie et la mort, entre les genres sexués, entre un certain réalisme et une poésie qui le dépasse.
Comment peut-on être Persan ?
« Comment peut-on être Persan ? » écrit Montesquieu. C’est sans doute en tentant de comprendre comment on peut être autre que l’on arrive à comprendre qui l’on est. C’est vraisemblablement ce que nous apporte de plus précieux ce Festival du Cinéma Italien d’Annecy. La démarche vaut autant pour les Français que pour les Italiens puisque chacun navigue de l’autre côté de la frontière. Un premier long métrage, des réalisateurs venant du documentaire. Ceci est d’autant plus significatif dans l’après berlusconisme, alors que la télé réalité, les réseaux sociaux envahissent notre espace intime et remodèlent la réalité. Il paraît que Francesco Giai Via et Leonardo di Costanzo ont abordé cette question ensemble. Au fond, le réel n’est jamais donné d’avance. Ni l’économie. Le monde se construit en permanence et nous avec lui.