David Sala « Le poids des héros »
16 mars 2022Pourquoi écrire, dessiner, raconter
Le livre de David Sala s’ouvre sur cette citation de Romain Gary « Lorsque vous écrivez un livre sur l’horreur de la guerre, vous ne dénoncez pas l’horreur, vous vous en débarrassez. » Par le meilleur des hasards, Talpa a lu dans le même temps Le poids des héros et La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik. La résilience consiste à réécrire l’histoire. On la fait sienne, on la digère et on la dépasse en la recomposant différemment à partir d’éléments du réel. Ce type de fiction est indispensable à la construction de soi. « Je vivais constamment sous la statue imposante de mes grands-parents » fait dire l’auteur à son personnage. Un poids qui pèse et qui pondère, qui construit.

Le dessin comme conscience
Les pages 124, 125 et suivantes constituent une intéressante mise en abyme. Au cœur de cette autobiographie qui dépasse l’auteur lui-même, ces pages plongent au plus profond de sa conscience et l’en font émerger. Si auparavant « Une part de mon insouciance s’était envolée », David Sala accepte de porter ce poids, d’en faire œuvre. Il accepte d’en être traversé et de le transmettre. À la fin du livre on enlève les meubles, on roule le tapis mais l’histoire continue. Celle de son grand-père qui a dû fuir l’Espagne de Franco, qui a survécu aux camps de concentration, celle de sa grand-mère.




Choix esthétiques et poétisation
Le réagencement des faits passe par des choix. Une dimension épique et poétique traverse certaines pages. On pense à Chagall. L’expressionnisme traduit l’horreur des camps de concentration mais l’usage de la couleur permet d’éviter l’effet documentaire. On pense ailleurs à Klimt, Munch, Matisse. La colombe de Magritte traverse l’histoire. L’enfance y est un jardin fleuri avant que naisse la conscience des faits et de l’Histoire. Talpa rappelait que l’étymologie du mot poésie vient d’un verbe grec signifiant faire, fabriquer. En ce sens, chacun peut être poète de sa vie.



Réel, fiction
Il arrive que l’on ait davantage peur d’un monstre vu à la télévision que de la réalité horrible et toute proche. L’album associe intelligemment cette vision de la réalité qui mêle en chacun de nous l’Histoire, l’actualité et la fiction extérieure. Nous nous inventons dans ce cocktail .

« Il faut imaginer Sisyphe heureux. » Albert Camus