De nos frères blessés, film de Hélier Cisterne

De nos frères blessés, film de Hélier Cisterne

4 septembre 2022 Non Par Paul Rassat

De nos frères blessés, sonne comme les titres à l’ancienne «  Je vais vous parler de nos frères blessés. » En fin de film apparaît un texte. Il rappelle que de 1954 à 1960 198 condamnés furent exécutés en Algérie, sous la Présidence de René Coty. 45 le furent sous la responsabilité de François Mitterrand, Garde des Sceaux. «  Tous étaient Algériens. » Quel long chemin jusqu’à l’abolition de la peine de mort en 1981 grâce à François Mitterrand !

[ Le film est à voir en DVD et autres supports]

Interdit aux Arabes

Le film s’inspire d’un livre qui retrace, lui-même la vie de Fernand Yveton. Jeune homme, communiste qui veut continuer de pouvoir se regarder en face. Une scène à elle seule retrace la vie dans l’Algérie de l’époque. Un contrôle militaire, les Algériens d’origine française passent, les Algériens d’origine algérienne sont fouillés. Une autre scène qui en rappelle une déjà évoquée par Talpa à propos du film Interdit aux chiens et aux Italiens. Dans ce film, c’est un panneau interdisant la plage aux chiens. Un quidam y ajoute «  Et aux Arabes. »

Au-delà des faits

Par-delà les faits, l’engagement de Fernand Yveton au côté de ses frères arabes, de sa condamnation et de son exécution, le film montre à quel point la justice est une mise en scène dont le premier objectif est de justifier son propre fonctionnement. D’autant plus qu’il s’agit d’un tribunal militaire. Il s’agit de soumettre plus que d’écouter. Et puis on retrouve le débat qui ressurgit encore aujourd’hui. Pour certains, la seule violence légitime est celle d’État. Ceux qui l’appliquent sont dans le moule, ne se posent pas de question. En face, il faut du courage, il y a des problèmes de conscience, d’éthique.

Entre frères ?

Le film est fort, prenant, bouleversant. Le subtil dosage entre les retours dans le déroulement de l’histoire et le procès final éclaire l’évolution complexe de Fernand, que le procès ignore et fige en une caricature propice à sa condamnation déjà décidée. Le Président Macron était récemment en Algérie. Je ne sais pas si on l’a déjà fait, mais il faudrait pardonner tous les résistants d’origine française qui se sont battus pour l’Algérie au côté de leurs frères arabes. La véritable vie partagée entre les deux communautés ne se réduirait pas, alors, à un passage dans une même cellule de prison. Mal défendue, la cause de Fernand Yveton était perdue d’avance. On l’a tranchée à un moment de l’Histoire où certains enjeux dépassaient sa vie. Il a été guillotiné en 1957.

Instituteurs en Algérie, mes parents m’avaient laissé en pension en Haute-Savoie cette année-là. Ils souhaitaient protéger leurs enfants de la violence quotidienne. J’entrais au CP.