Denis Malbos, exposition

Denis Malbos, exposition

14 septembre 2024 Non Par Paul Rassat

Denis Malbos expose au centre Aragon de Villard-Bonnot jusqu’au 10 octobre 2024. «  Ce qui fait trace vaut chemin », tel est le titre inspirant qui permet d’entrer dans son travail. Dans une déambulation entre la terre et le cosmos, l’insaisissable et le bloc de matière, l’élan et la capture, on lira quelques textes qui vivent avec les œuvres proposées.

«  L’empreinte de la roche et de la main qui comprime. L’espace entre la roche et la main. La peau qui tombe et garde la forme. »

« L’ensemble des rapports à l’espace que l’on rencontre dans les sociétés humaines : le contact et l’écart. L’obligation angoissante de se définir de nouvelles identités nous engage dans des jeux de contact et d’écart inédits dont nous devons, sous de multiples contraintes,  fixer les règles. » Jacques Lévy Le tournant géographique

«  Le poids des choses …

Là où ça se touche, le frottement, le contact, la traversée. »

«  Voyageur le chemin

C’est les traces de tes pas

C’est tout, voyageur,

Il n’y a pas de chemin, Le chemin se fait en marchant

Le chemin se fait en marchant

Et quand tu regardes en arrière

Tu vois le sentier que jamais

Tu ne dois à nouveau fouler »

Antonio Machado

Un bout de chemin sous forme de conversation avec Denis Malbos

En découvrant votre exposition, une réflexion s’impose : la relation entre le continu et le discontinu.

Continu-discontinu, c’est la rupture. L’endroit où ça se casse, là où ça se rencontre. Équilibre et déséquilibre. La limite au-delà de laquelle il faut aller pour voir ce qu’il y a derrière. C’est là que ça devient intéressant., la découverte de l’infini, l’horizon.

L’horizon qui recule à mesure qu’on avance.

On n’y arrive jamais, c’est ce qui en fait l’intérêt. Cette vidéo que l’on peut voir dans l’exposition montre le même paysage pris dans deux sens différents. Dans les deux versions mises côte à côte, parfois l’horizon correspond, parfois les images se croisent. Stabilité / instabilité.

Même si tout part de cette recherche des limites, des confins, il y a un moment où l’œuvre est finie. La recherche est terminée, équilibre et déséquilibre sont là.

Oui, mais peut-être que ça va sauter ! Ça bouge encore ! Mon travail repose sur l’envie de voir comment ça se passe quand on confronte les choses, les êtres, la matière. Ça peut être le câble et la pierre, le poids des choses, léger ou plus lourd, dur / mou. J’ai eu travaillé le verre et la pierre : on se demandait si le verre traversait la pierre ou bien si celle-ci coupait le verre. Que se passe-t-il quand ça se touche ?

J‘ai une série de photos intitulée Saisir. J’attrape tout avec la main, les nuages, les personnes, les choses. Une autre série, Malaxe, est née trente ans après. Là, je saisis de la terre, je serre très fort ; le résultat est une forme, le plein du vide de la main.

Le plein du vide.

Je n’avais pas appris la poterie, ni la céramique. Quand j’ai commencé cette série, j’ai découvert que les potiers appellent ça la pogne. C’est toujours la même chose. Quelle est la limite du vide ? Qu’est-ce qu’on fait avec la limite ?

Je suis un artiste des médiums. Je ne suis pas peintre, ni installateur, ni sculpteur : je prends les médiums et je les confronte, je joue avec eux.

Non seulement une œuvre n’est jamais figée, mais le chemin de l’une à l’autre continue.

Je ne suis pas un « exploiteur ». Je trouve des filons, mettre des cailloux sur des socles, attraper les choses avec la main, écraser de la terre avec une branche…J’explore, je réalise une série. Ça marche, c’est bon, je passe à autre chose. Je n’aime pas creuser, je m’ennuie.

Comment vient l’inspiration ? De concepts, de la matière, de rencontres ?

Il m’arrive, parfois pendant longtemps, de ne pas savoir quoi faire. Ça revient soit par réflexion, soit par rencontre d’une matière. C’est ce qui s’est produit avec la terre. Je ne connaissais pas ce matériau, il était donc intéressant !

Le public peut avoir l’impression d’une exposition éclectique : quel rapport entre mes comètes, les cailloux…

Le rapport est à l’intérieur de l’artiste.

J’aimerais qu’il soit visible, ou ressenti, deviné, questionné : — Ah oui, peut-être que… !

Cette recherche et les réalisations qui la concrétisent traduisent les liens qui explosent, se rejoignent, comme ces comètes sur ce grand panneau. Une espèce de big bang. Le spectateur peut rêver, voyager.

Effectivement, j’ai voulu réaliser là quelque chose de cosmique, c’est l’espace. C’est l’élévation de l’empreinte. J’élève les empreintes grâce au bleu outremer qui serait le bleu du ciel.

Les trois œuvres en élévation dégagent quelque chose de très spirituel.

Oui même si ce n’est pas mon propos. La notion de sacré, d’éternel existe. Et puis c’est beau ! Le bleu et l’or sont magnifiques !

Le rythme est très présent dans ces œuvres, comme dans celle-ci.

Elle se nomme Vague de pierre. Ce sont des pierres qui s’envolent, comme celle d’Hokusai.

C’est le mouvement immobile et permanent.

Comme ce jeu de cartes jeté en l’air et, hop, arrêt sur image ! Le mouvement est toujours là !

Si on ouvrait les portes, les cartes s’envoleraient comme des oiseaux ?

C’est arrivé une fois avec une réalisation comme celle-ci installée en extérieur. Une tempête pendant la nuit…Une autre série s’appelle Les cent ciels plantés. Chaque pièce installée en extérieur peut faire quatre mètres de hauteur.

Même si certaines œuvres exposées sont des maquettes, on sent leur énergie, leur force. D’autres ressemblent à des prémices. Certaines formes s’imposent, d’autres relèvent de l’évolution en cours.

Nous regardons là des formes très sensuelles, organiques qui se nomment Les centenaires. J’ai réalisé ce travail autour du centenaire de la guerre de 14. Une réflexion sur la terre et sur la dureté de la vie. Les centenaires sont de vieux soldats qui ont été envoyés à la boucherie.

Encore ce travail de la matière et de la terre. Des tranchées creusées dans la terre à ces formes vermiculaires qui en émergeraient comme d’une soupe primitive. Travail d’accouchement de la matière.

La Création de la Sixtine à Villard-Bonnot : interprétation totalement libre du spectateur!

L’horizon

À propos de l’horizon, Andrea Marcolongo écrit dans Étymologies pour survivre au chaos : « Apparaître ou disparaître sur cette ligne qui n’existe qu’en apparence, où le ciel et la terre semblent se toucher. «  Il semble y avoir chez l’homme comme chez l’oiseau un besoin de migration, une vitale nécessité de se sentir ailleurs » écrit Marguerite Yourcenar dans Le Tour de la prison publié en 1991. »… « si nous l’observons d’ici ( le monde), cela signifie qu’il doit bien y avoir quelque chose là-bas – quelqu’un peut-être, qui nous regarde sans nous voir, mais en sachant pertinemment que nous y sommes. »

Exposition jusqu’au 10 octobre 2024, 19 bis boulevard Jules Ferry 38190 Villard-Bonnot, Espace Aragon 04 76 71 22 51 www.Espace-Aragon.Fr