Du parquet sur les murs, du rêve en peinture

Du parquet sur les murs, du rêve en peinture

2 février 2023 Non Par Paul Rassat

Du 2 février au 12 mars 2023, la Fondation Christian Réal reçoit l’exposition de quatre artistes : Arthur Escoffier, Élisabeth Masson, Gilles Giacomotti et Thérèse Senée. Quatre approches différentes de l’art. Le hasard faisant, paraît-il, les choses, c’est sur Gilles Giacomotti qu’il s’est tourné. Rencontre avec l’homme qui rend justice au parquet et le transforme en œuvres d’art, en tableaux, en invitation au voyage onirique.

Pourquoi le travail du bois

Gilles, comment en es-tu arrivé à travailler le bois ?

J’ai vécu une dizaine d’années aux États –Unis  J’y faisais de la peinture décorative que j’avais apprise après les Beaux Arts. Le trompe-l’œil, faux bois, faux marbre… Je réalisais des colonnes en marbre, des halls en pierre de Paris, du faux bois, de l’acajou sur les portes, avec de fausses moulures. Jusqu’au jour où l’on m’a demandé de travailler sur des parquets. Ma première réalisation concernait trois pièces. Le fait de pouvoir marcher sur une peinture a été une révélation, pour mes clients…et pour moi ! J’avais trouvé ma voie. Celle-ci s’est affirmée puisque ma technique a évolué au fil du temps. Tout ce que j’avais appris par la peinture décorative m’avait aussi apporté une expérience très positive. Je me suis cependant lancé totalement dans cette nouvelle orientation professionnelle qui a correspondu aussi avec un retour en France.

Sortir des chemins balisés

Après un passage à Paris, installation à Annecy pour y retrouver des liens familiaux. J’étais passé par la structure de Paccard, je pensais donc que la compétition serait moins poussée qu’à New York. Que ce serait plus facile. Mais les gens ont leurs habitudes. Ils ne s’attendent pas à ce type de travail sur un parquet.

Échapper aux cases préétablies

Normal, tu fiches aussi du parquet sur les murs !

Les gens réduisent mon activité à cette expression «  Il fait du parquet. » Ils ne conçoivent pas que ce support peut se prêter à une prestation artistique. On ne sait pas me classer : menuisier, charpentier, ébéniste ? Mes créations partent du bois, qu’elles font vivre. Je suis les veines, je compose avec elles. Il faut donc prendre le temps de regarder, d’apprécier le résultat. Je pense avoir fait mes preuves et il est possible de s’en rendre compte en visitant mon site. Puisque mes œuvres sont cirées ou vernies, elles résistent à l’utilisation, au temps.

«  Je tatoue le bois »

Pour quelles raisons ton travail est-il apprécié par des acquéreurs ?

L’originalité. Le parquet travaillé de cette façon pousse les murs, il apporte du volume. J’essaye de comprendre l’intention de mes interlocuteurs. Je la suis en y apportant ma créativité. La discussion est importante et très enrichissante. Elle évolue avec la teneur de la relation. Ma démarche s’est affirmée grâce à ce jeu d’échanges qui m’a confirmé dans le bien fondé de mon approche. Avoir de telles créations sous les pieds est assez magique. Je tatoue le bois comme on peut le faire de son corps. Un intérieur ainsi traité devient unique.

Onirisme, méditation…

Les œuvres que tu exposes ici sont très poétiques, oniriques. Elles peuvent se lire à différents niveaux parce qu’une profondeur s’en dégage. Une forme d’ouverture. Elles invitent à la méditation, au voyage, au rêve.

À la contemplation et à l’introspection. Les formes sont importantes. Le matériau et les couleurs participent à une forme de poésie. L’esprit voit mieux que l’œil. Disposées sur les murs, mes productions deviennent des tableaux. Elles engagent une vision plus frontale.

Peut-être, mais elle n’est pas figée. On peut accommoder de différentes façons. La lecture change à mesure qu’on accepte d’être appelé par l’œuvre. Elle est mouvante.

Je vois chaque jour différemment mes tableaux. Je les redécouvre en fonction de la lumière, de mon humeur. Chacun peut en composer sa propre lecture parce qu’ils ne sont pas vraiment figuratifs.  Mes cyanotypes sont un jeu permanent d’apparitions et de disparitions. Le support est un matériau naturel, comme l’énergie du soleil.

Une forme de révélation

Comme dans la photo argentique, il y a une apparition de l’image. Une révélation.

Comme pour la photo, le travail s’effectue dans le noir. Il est suivi d’une exposition au soleil…et de la révélation !

Révélation que prolongent l’œil et l’esprit du spectateur.

Le mouvement et la conversation sont permanents. Un seul tableau peut apporter une profusion d’images. Le bois, ses veines, la transparence de la création contribuent à cette richesse. Avec ce tableau qui montre une femme de dos, il demeure aussi une part de mystère. Rien n’est jamais fini.

Le mot de Talpa

Encore une évocation du livre de Darian Leader, Ce que l’art nous empêche de voir. Il n’y eut jamais autant de visiteurs au Louvre qu’en 1911. Les gens se pressaient, après le vol de La Joconde, pour voir l’emplacement qu’elle avait occupé. Pour contempler du vide. Le plein sature. Il ne laisse aucune place à la lecture personnelle. Dans une création véritable cohabitent le vide et le plein. Il faut lire à ce sujet François Cheng, s’intéresser à l’art de la céramique. Peut-être faire un peu de vide en soi pour accepter de nouvelles nourritures.