L’Éditaupe #5 — Éléments de langage

L’Éditaupe #5 — Éléments de langage

23 décembre 2020 Non Par Paul Rassat

Dialogue de taupes

—  Tu sais qu’il y a de plus en plus d’illettrés ?
— Oui. D’ailleurs je fais mes dessins plus lentement pour qu’ils puissent les comprendre plus facilement.
—  J’ai pas compris.  

Éléments de langue et puzzle de pensée préfabriquée

Bonjour à tous

Et à toutes dans la mesure où ma démarche est sur l’inclusivité et sur la non discrimination. Je sors de ma zone de confort, quitte à ne pas en sortir indemne parce qu’il faut bien regarder la réalité en face : afin de ne pas rentrer dans le mur qu’on pourrait d’ailleurs se reprendre aussitôt derrière à cause des circuits courts.

Nous n’avons pas le droit à l’erreur sinon nous serons impactés par ce mur-là. L’idée est donc de tout donner et de ne rien lâcher pour créer un courant alternatif. Ça passe ou ça casse. Il est enfin temps de parler vrai. On ne va pas se mentir plus longtemps ni se cacher derrière notre petit doigt. Voilà.

Du coup, nous devons faire en sorte d’être en capacité de trouver des solutions pour être sur l’idée de faire société et sauvegarder le vivre ensemble et le care et en finaliser la réalisation en validant et en cochant toutes les cases. Créons à cet effet cette trousse à outils-là qui n’existe pas encore. C’est ça l’idée.

Car la question c’est quoi ?

Nous devons nous positionner pour nous approprier de quoi casser les codes, bouger les lignes, changer de logiciel pour sortir de cette situation-là où nous sommes enfermés et percer le plafond de verre. Voilà. Nous devons retrouver le paradigme perdu.

Moi perso, je pense quelque part que nous pourrions être limite dégoûtés par l’insincérité de certains qui nous pousseraient à partir en live en mode destroy. Du coup je vous invite derrière à communiquer, voilà, à échanger parce que c’est carrément indispensable pour parler vrai et transformer derrière cette communication-là en message viral. Voilà.

Je reviens vers vous très vite. J’ai hâte et vraiment envie. Il faut aller au final sur des marqueurs forts qui feront de nous des prescripteurs efficaces.

Au revoir à tous et à toutes en mode inclusif sans discrimination.

Tics linguistiques et toc !

C’est quoi l’amélioration entre les deux… ?

Le Gouverneur de la Banque de France

C’est quoi les règles ?

Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur

Il semblerait que le « C’est quoi » ait remplacé le « Je vais vous dire, c’est simple » qui chosifiait l’interlocuteur. « C’est quoi d’avoir vingt-deux ans aujourd’hui ? » demandait une journaliste puissante de France Inter sur les ondes de laquelle un expert déclare « On est dans des gens qui sont dans des logiques d’affrontement black bloc ».

Après la langue, la littérature thérapeutique et humoristique

Divertissement, passe temps, exercice scolaire ou solitaire, initiation à la vie qu’elle est vraie et aux humanités qu’elles font partie des vraies valeurs comme le travail et le droit de manifester qu’on soit de gauche mais aussi de droite, non mais, à condition de se lever tôt, la littérature est aussi une thérapie comme l’atteste la formule de la thanatine solucamphrée du Dr Mortibus, une thérapie définitivement efficace même, dévoilée par Georges Perec dans Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?

Nicotate de Methilde0.005
8-Chlorothéophyllinate-dimethyl-amino-éthyl-benzhydryl éther0.1
Paradichlorobenzène0.4
Balzaque0.001
Quinquina succirubra0.8
James Bond0.07
Agrippa dobignatraces
Excipient placébiqueQ.S. (98.6%)
À prendre avec modération.

La science et la médecine ayant beaucoup évolué depuis la parution du livre de Georges Pérec, il pourrait être souhaitable d’ajouter une pincée de Princesse de Clèves et un coup de Kärcher à la préparation pour en renforcer l’efficacité.

Les mots coupés de ceux qui les prononcent

[…] La situation d’aliénation paraît sursignifiée lorsque la personne pressent qu’elle est sommée de parler et de penser avec des mots qui ne sont pas les siens. Elle a l’impression d’évoluer dans un appartement témoin… Il n’y a pas la moindre trace de vie humaine dans ce lieu. Il est désaffecté comme la langue de celui qui essaie de reprendre la parole. Cette prise de conscience se prolonge généralement en léthargie. Car pour espérer se socialiser, l’être humain occidental doit désormais apprendre à tolérer ce langage désaffecté. 

Éric Chauvier — Les mots sans les choses

Et c’est ainsi que notre enseignement devient un appartement témoin. La langue nous aseptise au lieu que nous l’habitions. Nous ne nous exprimons plus, nous ne faisons pas, littéralement, sortir une pensée et des mots de nous-mêmes mais devenons leurs véhicules sur des autoroutes monotones.

Spatialisation par défaut

Alors qu’on invoque de plus en plus des valeurs en une vaine psalmodie se développe une langue spatialisée. Notre monde de plus en plus hors sol nous force à inventer des repères. C’est ainsi que derrière remplace ensuite, qu’il faut prendre des décisions en amont, que nous sommes dans un monde où et que nous sommes de plus en plus face à. Ce fameux face à qui sépare le monde en deux, impose une vision binaire et supprime toute nuance.

Vous êtes perdu ? Rassurez-vous. Vous êtes en amont de sérieux problèmes, face à un mur infranchissable. L’étape derrière le mur est un monde où vous serez juste perdus. Voilà !

À propos des collègues de Samuel Paty, Marlène Schiappa déclare à la radio « Ils sont face à des faits qui sont inimaginables. » Ils sont confrontés à une situation inimaginable ?

« On ne peut pas être sur ces sujets- avec des certitudes » affirme une députée.

Concernant la vaccination, Laurent Wauquiez confie « Des familles nous ont appelés derrière. »

En quelques minutes d’interview, Cynthia Fleury reprend à trois reprises « Nous sommes dans un monde .. » Notre monde ?

Langue et démocratie

Etienne Klein évoque sa découverte de 1984 dans Le goût du vrai (Tracts Gallimard)

Mais dans  l’univers décrit par Orwell, c’est la distinction même entre vérité et mensonge, entre vérité et fiction, qui devient superflue, dès lors qu’elle contrevient à des exigences d’utilité et de convenance… Le réel est sommé de se taire [Ce qui est bien normal puisqu’on est face à lui, dans un affrontement]. Seul importe de maintenir la croyance collective dans la fable officielle.    Lorsque l’idée même de vérité est ainsi abrogée, c’est la notion de monde commun qui se trouve elle-même néantisée : l’échange devient impossible, qu’il s’agisse d’idées, de jugements, de sentiments ou d’émotions. La capacité de penser par soi-même est, elle aussi, abolie : répertoire de la langue réduit au minimum, lexique et syntaxe simplifiés à l’extrême, l’exercice de l’intelligence devient impossible… 

Apparaissent ici les liens entre la démocratie, l’intelligence (qui crée des liens vrais) et la langue.

C’est juste incroyable, non ? Voilà.